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Cher parent d’un enfant « normal »

Cher parent d’un enfant « normal »,

Aujourd’hui, j’envie avec honte ta vie sereine, ta décontracture et tes petits tracas qui pour moi n’en sont pas. Je scrute ton allure désinvolte et ta manière si décontractée de déposer ton enfant à l’école ou de le récupérer le soir, sans l’once d’une angoisse de croiser l’enseignant, ou d’être interpelé par un quelconque parent qui se plaindrait du comportement de ton gamin, et des potentielles répercussions à terme sur le sien, et je suis jalouse de toi.

Cher parent d’un enfant normal, si tu savais comme j’ai mal. Je souffre de te voir organiser l’anniversaire de ta progéniture sans jamais daigner proposer au mien de venir. Ton enfant est pourtant régulièrement invité aux fêtes du mien; il faut dire que je mets le paquet pour le voir rappliquer. Laser game, bowling, sodas, bonbons à volonté; rien n’est trop beau pour qu’une fois, mon petit se sente aimé. Qu’il se croit, l’espace d’un instant, l’égal de ton enfant, admiré, honoré, fêté et intégré dans la société. Une fois la fête terminée, nous attendons que tu te manifestes, mais les invitations ne viennent jamais.

Cher parent d’un enfant socialement intégré, je me surprends parfois à rêver. Je vois mon enfant dans l’avenir; il est beau, il est heureux, il est autonome, il est reconnu et tu te vantes de l’avoir connu. À ton tour d’envier ma situation, tu racontes à qui veut l’entendre que ton gamin était dans sa classe, que c’était une chance pour ton rejeton, que tu as vu ses parents se démener, et que de sa réussite, jamais, ô grand jamais, tu n’as douté.

Cher parent d’un enfant comme les autres, arrête de me comparer à un roc. Je ne suis pas faite de pierre et mes épaules ne sont pas aussi larges ou robustes que tu le crois. Arrête de faire comme si tu ne voyais rien. Regarde-moi cinq minutes, parle-moi, propose-moi un café, un câlin, tends-moi la main.

Cher parent d’un enfant dit typique, cesse s’il-te-plaît d’adoucir mon malheur par l’emploi de termes politiquement corrects. Arrête de qualifier mon enfant de « différent », « atypique » ou « à problèmes »; nomme-le nom de son trouble ou sa maladie comme il se doit, ce n’est pas contagieux, rassure-toi.

Cher parent d’un enfant normal, ce n’est pas la différence de mon enfant qui me gêne, c’est ton indifférence qui me malmène.

Crédit : Bricolage/Shutterstock.com

Aude Courbouleix

Heureuse maman d’une tribu de joyeux enfants, deux filles et un garçon tout juste sortis du bas âge, autant dire que je suis plutôt calée dans l’art de la négociation et de la gestion de crise. Le sommeil ? Je n’en ai plus beaucoup. Le temps pour moi ? Très peu. L’optimisme ? À fond ! De la caféine ? Toujours un pot d’avance dans le placard. Ce que j’aime ? Bouquiner, voir le jour se lever, les loisirs créatifs, mes trois monstres, source d’amour et d’inspiration, ma famille, mes amis, mes deux chats-seurs de croquettes et rire !

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1 Comment

  • Très beau texte, soulageant pour ceux et celles qui se rcontront comme moi, ça fait du bien de se sentir moins seul…
    Merci pour ce texte qui résume beaucoup mais surtout donne de l’esoir

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