corde de bois

Du calme la bourgeoise

corde de bois
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Quand t’es une ex-bourgeoise provenant d’une ville snob de la Rive-Sud de Montréal et que tu vis dans une maison quasi-centenaire dans un des rangs d’un petit village de trois-cent-soixante habitants dont le nom prend cinq minutes à écrire au complet, on s’entend que les visiteurs imprévus se font rares. Surtout que les gens qui tentent officiellement de se rendre chez vous se perdent en chemin plus souvent qu’autrement.

Tu l’aimes, ta vie à la campagne, mais, parce qu’évidemment il faut qu’il y ait un mais, tu n’arrives pas à calmer la fière-pet en toi.

Tu connais ce sentiment d’angoisse grandissant de te faire juger par l’apparence de ton terrain ? Tu sais, celui qui arrive à te convaincre que tous ceux qui passent devant jugeront qui tu es par la longueur de ta pelouse, ton tas de bois pas cordé, ton trailer plein de cochonneries qui attend que tu aies envie le temps d’aller à l’écocentre et les crottes de chiens qui s’accumulent dans ton entrée de gravelle (parce qu’on choisit ses priorités)? Quand t’es le p’tit nouveau de la place, tu ne veux pas passer pour un cochon. Pis t’es pas folle, tu le sais que les trois-cent-cinquante-sept autres habitants jasent de toi au village.

Tu fais aussi partie de celles qui s’appliquent à faire une belle cordée de bois, qui la prennent en photo et qui  l’instagram. T’es fière de même t’sais. Tu prends le temps de bien placer tes couches lavables par nuance de couleurs pour en faire un arc-en-ciel. Tes pyjamas, tes cache-couches et tes pantalons sont classés par sorte, par couleur et par longueur. Et que dire de tes doudous, tes débarbouillettes et tes draps que tu accroches du plus grand au plus petit, rien de moins. Tout cela parce que ça fait plus beau, plus soigné. Pourtant, au fond de toi tu le sais que le gars en pick-up qui passe à plus de quatre-vingt-dix kilomètres à l’heure sur ce qui lui sert de piste de course devant ta maison se fout de ta corde à linge aux mille et un dégradés de rose et de mauve. En fait, il n’a probablement jamais remarqué que tu avais une corde à linge aussi longue et colorée soit-elle.

C’est là que tu réalises toute l’énergie que tu dépenses inutilement pour habiller ta mignonne avec des vêtements qui fit ensemble. Oui madame, parce qu’il n’est pas question que son haut ne s’agence pas avec les pantalons, la couleur de ses bas ou avec sa couche lavable. Ça fait des mois que tu perds prends ton temps pour choisir le parfait petit kit sur lequel elle va, de toute manière, baver et régurgiter à volonté dès qu’elle en aura l’occasion.

Tu te trouves totalement ridicule de calculer mentalement la durée de vie potentielle de sa couche lavable selon l’évolution de son système digestif pour que l’ensemble parfait lui reste sur le corps plus que vingt minutes. Pis si jamais elle se beurre, fais-toi en pas, tu as une stratégie de rechange bien établie. Tu le sais que tu es pathétique. Tu te vois aller, mais tu as été élevée comme ça. Ton gilet s’agençait immanquablement à tes bas et ton pichou de cheveux quand tu étais au primaire. C’est gravé dans ton ADN, tu n’y peux rien.

Sincèrement la belle? N’oublie pas que tu vis dans le fond d’un rang. Pourquoi tu n’habilles pas ton enfant comme l’Homme le fait ? Juste pour qu’elle soit confortable. Tu te doutes fortement que le pourcentage de chance qu’un visiteur arrive à l’improviste est aussi grand que de voir un ours polaire dans ta cour.

Et qu’en est-il de ta propre garde-robe? Pas grand-chose. Parce que tu le sais que la chenille sur ta rampe de galerie champêtre n’en n’a rien à ciré que tu sois habillée comme la chienne à Jacques. Que ledit gars dans son pick-up, il ne l’a pas vu que ton chignon est gras, le trou sur la fesse gauche de ton pantalon d’entraînement pré-grossesse, devenu ton mou quotidien post-natal, et que ton tee-shirt est jaune en-dessous des bras. La cute à la maison c’est plus toi alors à quoi bon se forcer?

Ça fait que relaxe la fière-pet bourgeoise et profite dont de ta campagne pour faire dur !

Annie Chamass

           ANNIE CHAMASS

Annie Chamass

Après quatre ans d’infertilité, une deuxième barre s’affiche sur mon test de grossesse. Bien que tant désirée, j’étais rendue au point de faire le deuil de la maternité humaine; c’est le choc. Déjà fière maman de 6 bestioles poilues, me voilà maintenant mère d’une 5 mois pleine de vie et d’amour à partager. Étudiante à la maîtrise (j’étudies mes compétences parentales!), nouvellement propriétaire d’une maison presque centenaire et remplie de mauvaises surprises en pleine campagne bas-laurentienne, j’apprends à devenir maman. Chaque jour me ramène à mon incompétence à être une mère parfaite et je dois vous avouer…. que j’adore ça!

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