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Ma famille est « complète » et voici pourquoi j’hésite à me faire vasectomiser

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Quand tu me dis que je devrais me faire vasectomiser parce que ma famille semble complète, je l’interprète comme prendre la décision de m’enlever le choix. Comme renoncer à mon libre arbitre primitif. Comme un blasphème pour les infertiles qui attendent impatiemment de la cigogne cette bonne nouvelle attachée à son long bec droit.

Chaque action est une demande que l’univers écoute; pour cette raison, je procrastine à m’informer sur le sujet. Les algorithmes s’en doutent au point de se partager mon secret par des pubs de cliniques incrustées dans chacun de mes onglets.

Les hormones que ma conjointe s’inflige m’inquiètent, la liste des effets indésirables du cuivre ne semble pas être un bon compromis et les risques ainsi que l’ampleur de la ligature de ses trompes ne seront jamais dans mes options. Sauf qu’en réponse à ce point de vue, les gens sautent vite à la conclusion : la vasectomie devient la solution.

C’est surprenamment les femmes qui m’encouragent vers cette intervention. Leurs arguments sont souvent faciles et ironiquement insouciants. Je me rassure dans leur silence et leur visage figé dans l’embarras lorsque je précise que je n’ai même pas encore atteint la trentaine.

C’est comme connaître la date de l’amputation de ses propres doigts et se remémorer la douceur des touches d’un piano; ils ont la capacité de procréer les dernières notes d’une partition incomplète avec de simples caresses.

Détrompe-toi, ma peur n’est pas envers la douleur physique; j’ai fracturé mes membres et je t’assure que les os se soudent plus vite que les remords ne s’estompent.

J’ai eu le mémo que c’est réversible et « qu’il y’en a pas de problème », mais c’était aussi ce que disait Freeman avant une lobotomie. Le temps nous chuchotera la vérité mais pour l’instant, je ne m’excuserai pas d’être réticent de me baser sur cette méthode comme plan B.

Et si j’accepte la vasectomie pour ensuite la renverser, est-ce que j’aurai les mots pour un jour dire à mon quatrième enfant que je ne voulais pas de son existence pendant un moment? Juste en écrivant ces lignes, je reconnais la honte que j’aurai à affronter le regard d’un être qui naît qui n’a même pas eu ses premières dents.

Ce serait légèrement plus simple si je pouvais prédire que les heures rémunérées diminueront sans que mes finances ne soient affectées ou si l’on pouvait me garantir qu’on ne me proposera pas de rebâtir une famille si la vie ou la mort m’enlève mon âme soeur.

Je pourrais déblatérer avec exagération comme ça sur bien des pages pour me distraire de ma peur,
…de l’inconnu,
…du peu d’espace vide du lit lors de nos grasses matinées,
…de la dernière chaise vide de notre salle à dîner.
et du 6e crochet du vestibule prêt à accueillir son bagage.

Stephen

Crédit : CC7/Shutterstock.com

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1 Comment

  • Moi !!! je me suis fait vasectomier et j’ai pris un sacré retour de médaille, très inattendu.

    Pourquoi vasectomie ? déjà pour une question pratique : 3 enfants, suppression de tout souci lié au contraceptif, suppression du stress du au « p’ti dernier à 42 ans, tout à recommencer 9 ans après tout le monde » , le budget pilule qui disparait (chez nous elle est pas prise en charge par les caisses maladie).

    Incontestablement, le ratio prix-avantage-déconvenues était laaaargement favorable. Décision prise : je passe chez Docteur Sécateur et me voilà vide de mon pouvoir reproducteur mais paradoxalement rempli d’un étrange pouvoir : celui de pouvoir donner le plaisir sans contrainte. J’ai commencé à m’autocongratuler du fait d’avoir fait un choix qui me rendait exempt de risque de grossesse non désirée…. 2 années plus tard ce qui devait arriver arriva.

    Marié et 100% fidèle depuis 15 ans, la quarantaine approchant, une opportunité d’infidélité se présentant….. pan ! les coups partent ! et sans protection. La fausse sécurité que m’inspirait la stérilité m’avait fait totalement occulter le risque sanitaire d’une rencontre « fast food ». Cette opération avait développé un instinct de chat dans mon cerveau : un chasseur qui chasse pour le jeu. Le fait de ne pas risquer de conséquences reproductives sur le corps de mes partenaires de jeu était suffisant et avait fait de moi un Rocco en puissance….

    Jamais je n’aurais pensé qu’une cicatrice si légère pouvait créer autant de souffrances. Finalement, la pilule c’est pas si mal.

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