jeune fille triste à l'école

À mon enfant sensible dans la cour d’école

À mon enfant sensible dans la cour d’école,

Toi, ma petite poupée de porcelaine, tu es si solide et si fragile à la fois. Mais ces gens qui mènent la cadence te perçoivent comme tous les autres. Ils ne te voient jamais te briser. Moi, j’ai dû te réparer des milliers de fois.

Tu es pleine de contradictions, et c’est ce qui fait ta beauté. Je ne suis pas inquiète pour ton avenir; je sais que tu as tout pour réussir et pour foncer dans la vie. C’est plutôt ton présent qui me préoccupe; tu te détruis de l’intérieur, tu ne vas pas bien. Et alors que tu te démènes pour passer à travers tes journées, les autres perçoivent uniquement tes forces ou tes difficultés. Ils ne voient pas celle que tu es dans ton entièreté : une enfant pleine de talent avec des blocages qui l’empêchent parfois d’avancer.

Tu es extrêmement forte, mais tu accumules les fissures invisibles jusqu’au point de rupture. Quand j’essaie d’en parler à ces gens qui passent la journée avec toi, ils ne m’écoutent pas.  Ils ne me croient pas, car ils te voient toujours solide comme le roc, comme une poupée de diamant incassable. Ils me croient trop intense, trop mère-poule. Et je les comprends, car ils ne t’ont jamais vue te briser.

Mais c’est moi qui apaise tes peines chaque soir, à ton retour de l’école. Quand tes fissures invisibles, accumulées tout au long de la journée, n’ont plus à se cacher et peuvent s’exprimer librement. Lorsqu’elles trouvent refuge en sécurité auprès de moi, ta maman, qui sais si bien recoller chaque morceau de ton petit coeur brisé.

Je fais de mon mieux, et je sais que les gens qui t’entourent font également le leur, mais j’aimerais tant ne plus avoir à te réparer chaque soir.

Et le matin, quand je te laisse à la clôture en poussant un peu derrière ton sac à dos pour t’encourager à entrer dans la cour d’école, je suis anxieuse moi aussi. J’ai l’impression de te jeter dans la gueule du loup, de te pousser du haut d’une falaise. Car je sais que tu t’y sens menacée, surchargée, pressée, stressée, surstimulée.

Et que moi je devrai te réparer encore ce soir.

Crédit : stockbusters/istock.com

Audrey Proulx

Maman de 2 enfants et ancienne éducatrice, je suis passionnée de littérature enfantine, de pédagogie, de musique et d'une infinité d'autres sujets. Je déteste les conflits, mais je n'hésite pas à sortir les griffes et monter au front pour les causes qui me tiennent à coeur. Constamment en recherche de justice et d'amélioration, les embûches rencontrées dans mon parcours de maman éducatrice m'ont menée au burn-out et à la dépression. L'écriture m'ayant servi de thérapie personnelle pour sortir de cette impasse, j'ai envie de partager mes écrits avec ceux/celles vivant des enjeux similaires aux miens.

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2 Comments

  • Bonjour,
    Je comprends tout à fait cette situation, comme je l’ai vécu avec mon enfant. Le point de rupture est malheureusement arrivé et c’est difficile de tout recoller. Il faut continuer de parler de notre enfant et de mentionner aux autres qu’il faut prendre de l’avance dans les moyens pour les soutenir… avant d’atteindre ce point de rupture irréparable.

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