Tu n’es pas un enfant parfait.
Tomber dans le vide. C’est exactement ce que j’ai ressenti le jour où on me l’a annoncé. Du haut de tes trois pommes, tu étais bien loin de te douter, et moi aussi, de tout ce qu’impliquait le diagnostic qu’un spécialiste venait de nous jeter à la figure avec trop peu de délicatesse. Un diagnostic entouré de mots beaucoup trop compliqués. Un diagnostic dont je ne connaissais que très peu.
Le médecin nous a aussi dit que tu allais avoir besoin de beaucoup d’amour et de soutien et comme nouvelle maman de son premier enfant, je l’ai reçu comme une claque en plein visage.
Après ce rendez-vous médical, la route pour retourner à la maison a été la plus longue de toute ma vie. Papa était dans tous ses états et n’arrivait pas à gérer ce qu’on venait d’apprendre. Moi, j’étais au téléphone pour informer notre famille immédiate qui attendait impatiemment des nouvelles de ce rendez-vous tant attendu.
Comment annoncer une telle chose, alors que je n’avais pas encore eu le temps de l’assimiler moi-même ? Les mots me manquaient.
Tu n’es pas un enfant parfait.
Pendant deux semaines, ça a été l’état de choc, la bombe. Il ne fallait pas y aller avec le dos de la cuillère; papa et moi vivions littéralement un deuil. Le deuil de l’enfant « parfait ». Déjà, au début de ma grossesse, je m’amusais à t’imaginer, à réfléchir à ce que tu aimerais faire, à qui tu allais ressembler. Mais au grand jamais, je ne me serais douté que tu sois un enfant « différent ».
La différence nous faisait peur parce qu’elle rimait avec l’inconnu et que personne ne souhaite mettre au monde un enfant en lui offrant une vie truffée de défis et d’embûches.
Peu après l’annonce, j’ai développé le réflexe de comparer ta situation avec celles d’autres enfants handicapés afin de me convaincre que ce qui t’arrivait n’était pas si mal. Je me disais : «Au moins, il a toute sa tête. Ça aurait pu être plus grave. » Mais comment peut-on comparer le handicap d’un enfant à celui d’un autre? J’avais le droit d’avoir de la peine et de vivre mon deuil, même si mon enfant n’avait pas le pire handicap existant sur Terre et, avec le temps, j’ai dû me donner le droit de vivre pleinement ce deuil.
Tu n’es pas un enfant parfait.
Mais au fil des jours, j’ai réalisé qu’il n’existait pas d’enfant « parfait ». Que chaque petit possédait sa personnalité, son petit bagage et qu’il arrivait avec son lot de complexité.
J’ai dû faire le deuil de mon enfant tel que je l’espérais, c’est vrai, mais les mois qui ont passé m’ont permis de réaliser que tu étais parfait tel que tu étais. En c’est en prononçant ces mots, c’est là que j’ai tout compris.
Si on me permettrait de revenir en arrière et de pouvoir avoir un autre enfant que toi, un enfant sans handicap, je refuserais. Je refuserais car rien ne pourrait remplacer l’amour que j’éprouve pour toi, mon enfant « différent ». Est-ce que mon rôle de maman est plus exigeant? Oui. Est-ce que je suis parfois fatiguée des rendez-vous et des suivis? Oui. Mais au grand jamais, je ne t’échangerais, car tu es toi et toi seul resteras mon premier enfant malgré tout ce que ça implique et tout ce que ça impliquera dans notre futur.
Tu n’es pas un enfant parfait.
Mais je suis prête à t’accueillir tel que tu es et à continuer de te guider sur le chemin de ta vie. Il sera probablement plus sinueux que celui des autres, mais ce sera le tien et tu le sillonneras à ton rythme.
Sache que ma main sera toujours là pour te rattraper si tu y trébuches.
Avec tout mon amour,
Maman
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