deuil périnatal

À toi qui tentes de me consoler parce que j’ai perdu mon bébé

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Te reconnais-tu, toi qui me dis que le fait que j’aie perdu mon bébé n’est pas si grave, que la vie continue ?

C’est vrai, je n’en suis pas morte. Mais j’y ai laissé quelques plumes et une partie de moi.

Te reconnais-tu, toi qui penses que j’en fais trop ?

Oui, je savais que les trois premiers mois étaient risqués, mais j’avais envie et le droit de me projeter. Alors non, je n’en fais pas trop.

Te reconnais-tu, toi qui me dis que j’ai déjà la chance d’avoir un enfant ?

Bien sûr, j’ai beaucoup de chance d’avoir un enfant en bonne santé à aimer, élever, choyer. Je sais que certaines personnes n’ont pas cette chance. Mais mon cœur avait fait la place pour ce nouvel être que mon corps avait accueilli et le fait de choyer un enfant ne m’empêche pas de pleurer celui que j’ai perdu.

Te reconnais-tu, toi qui minimises ma peine car ce n’était « pas tout à fait un bébé, mais plutôt un fœtus » ?

Il était si petit, n’avait pas encore « forme humaine ». Il n’avait ni sexe, ni prénom. Je ne l’avais jamais porté dans mes bras. Et pourtant, je le portais déjà dans mon cœur, je le considérais déjà comme mon enfant, unique et parfait à mes yeux.

Te reconnais-tu, toi qui banalises ma tristesse sous prétexte que beaucoup la vivent aussi ?

Je sais que nombreuses sont celles à qui c’est arrivé. Mais j’aimerais te dire que si le fait de le savoir me fait sentir moins seule, cela ne me rend pas moins triste.

Te reconnais-tu, toi qui me dis que j’ai peut-être trop forcé, trop fait de sport, pas assez mangé de ceci ou trop de cela ?

Ne crois-tu pas que je me suis déjà assez remise en question ? Penses-tu vraiment m’aider en m’accablant de propos accusateurs et infondés ? J’aurais pu avoir une hygiène et un rythme de vie irréprochables, le résultat aurait certainement été le même.

Te reconnais-tu, toi qui me dis que la prochaine fois sera la bonne ?

Je ne me projette pas encore dans « une prochaine fois ». La prochaine fois que j’irai au supermarché, oui. La prochaine fois que je prendrai rendez-vous chez le coiffeur, oui. La prochaine fois que je porterai un bébé, non. Je voulais cet enfant, car je ne le considère pas comme un parmi d’autres, mais comme la personne unique qu’il était à mes yeux.

Te reconnais-tu, toi qui me dis que si je suis tombée enceinte, c’est déjà bon signe, que cela veut dire que tout fonctionne ?

Mécaniquement parlant, tu as raison mais je ne suis pas composée de pièces qui, liées les unes aux autres, créent, performent et démontrent leur efficacité.

Te reconnais-tu, toi qui commences tes phrases par « si j’étais toi » ?

Tu n’es pas moi. Ne me donne pas de conseils sur la façon dont je dois agir, penser, avancer. Propose-moi ton écoute ou ta présence et je les accueillerai. Mais ne me propose pas de leçons toutes faites, de recettes universelles sur le retour au bonheur.

Te reconnais-tu, toi qui détournes le sujet lorsque je te confie ce que j’ai vécu, pensé ou ressenti ?

Je suis désolée si mes propos te mettent mal à l’aise, si tu ne sais quoi répondre. Écouter sincèrement et accueillir la peine de quelqu’un lorsqu’on n’a rien demandé doit certainement être compliqué, je ne le néglige pas. Mais s’il te plaît, soigne la transition, réfléchis au prochain sujet, trouve une manière de me faire comprendre que tu m’as tout de même écoutée et entendue.

À toi qui tentes de m’apaiser, de me consoler, parce que j’ai perdu mon bébé, je sais que tu veux être bienveillant et aidant. Mais tous ces commentaires ne m’aident pas. Laisse-moi le temps de pleurer, de m’isoler, de partager ma peine comme bon me semble. Car la peine de perdre un être aimé ne se mesure pas en fonction du temps passé ensemble, mais du lien qui nous unit.

Crédit : fizkes/Shutterstock.com

Angélique

Depuis que je suis devenue maman, j’ai appris à conjuguer tous les verbes, à tous les temps. J’ai revu mes projets, rectifié mes «à priori ». Depuis 2020, l’amour et la culpabilité partagent mon quotidien. Le marathon des journées sans fin me pousse à écrire de temps à autre; une sorte de stretching pour tenir le coup sur la durée. Entre mon fils et mes élèves, je suis entourée d’enfants 14 heures par jour, 7 jours sur 7. Un bonheur qui me fait parfois perdre l’équilibre…

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1 Comment

  • Tu as mis des mots sur ce que je vis en ce moment. Merci à toi. Et si tu veux en discuter ou en parler je suis là.

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