J’aimerais que ma fille ne grandisse pas dans le monde tel qu’il est maintenant

J’aimerais que ma fille ne grandisse pas dans le monde tel qu’il est maintenant.

Je ne veux pas qu’elle ait peur de sortir de chez elle une fois la nuit tombée.

Je ne veux pas qu’elle croit que faire l’amour se résume à mettre un pénis dans un vagin.

Je ne veux pas qu’elle se fasse un jour violer et qu’on lui demande comment elle était habillée.

Je ne veux pas qu’elle évolue dans un monde d’inégalités où on lui répète « qu’ailleurs c’est bien pire » chaque fois qu’elle s’insurge contre une injustice entre les hommes et les femmes.

Je ne veux pas qu’elle se pense obligée d’offrir une faveur sexuelle à un homme sous le prétexte que « tout le monde le fait » basé sur un univers pornographique débraillé dans lequel on encourage les hommes à utiliser les femmes comme si elles leur appartenaient.

Je ne veux pas qu’elle s’empêche de porter une robe courte par crainte de recevoir des commentaires déplacés ou des sifflements qui la rendraient mal à l’aise.

Je ne veux pas qu’elle grandisse dans une société qui, sans même s’en rendre compte, encourage la culture du viol en rappelant que « les hommes ont des besoins que les femmes se doivent d’assouvir »,  en faisant des blagues sexistes, en envoyant des photos non désirées, en se permettant des attouchements non consentis, en faisant des menaces ou en injuriant des femmes qui  refusent des avances et en faisant sentir coupables des victimes d’agressions sexuelles.

Je ne veux pas qu’elle doive couvrir ses épaules ou ses cuisses pour répondre au code vestimentaire d’une société dépassée qui sexualise son corps de douze ans en disant qu’il n’est pas décent et qu’il pourrait exciter des garçons et des hommes incapables de retenir leurs pulsions.

Je ne veux pas qu’on la rabroue au travail en lui disant de se calmer les hormones lorsqu’elle fait part de son désaccord avec vigueur comme si le fait d’être une femme faisait d’elle une employée moins crédible. Comme si le fait de mettre son poing sur la table avec crédibilité n’était réservé qu’aux hommes.

Je ne veux pas que ma fille se regarde dans le miroir en grimaçant. Parce son ventre n’est pas aussi plat que celui des femmes qu’elle suit sur Instagram. Parce que ses seins ne sont pas aussi gros que ceux des femmes qui figurent dans la revue Summum. Parce qu’elle ne ressemble pas en tout point à ce que notre société malade et sexiste attend de son corps.

Je ne veux pas qu’elle fréquente un des nombreux hommes qui croient que c’est aux femmes de s’occuper de la maison et qui « aident » leurs épouses parce que ce sont de bons maris.

Je ne veux pas qu’elle mette un enfant au monde que le père « gardera » à l’occasion pour qu’elle puisse sortir prendre un verre entre amies.

Je ne veux pas qu’elle croit que son apparence est plus importante que son intelligence, ses compétences et ses ambitions. Qu’en entrant dans une pièce, son premier réflexe soit de se demander si elle est assez belle, si ses cheveux sont bien placés et si elle a choisi la bonne robe plutôt que de se concentrer sur tout ce qu’elle a à offrir au monde entier.

Je ne veux pas qu’elle se sente plus petite, moins forte ni moins crédible que les hommes qui croiseront son chemin.

J’aimerais que ma fille ne grandisse pas dans le monde tel qu’il est maintenant. Parce que si bien du chemin a été fait pour arriver à l’égalité entre les hommes et les femmes, la route sera encore longue pour y parvenir et trop de gens ne le réalisent pas, faisant tourner la roue de l’inégalité des sexes encore et encore, sans même en prendre conscience.