La première fois que vous êtes partis chez papa

maman séparation

Ce matin, c’est la toute première fois.

La première fois que je vous serre dans mes bras pour vous laisser partir vers ce nouveau bout de votre vie.

La toute première fois que je vous dis au revoir pour quelque temps, sans partir en voyage ou m’absenter pour la fin de semaine. Simplement parce que maintenant, c’est comme ça.

Malgré mes yeux remplis de larmes, le grand sourire que j’ai au visage et l’enthousiasme contagieux que je tente de vous transmettre semblent faire leur chemin. Je sens un peu d’insécurité dans vos regards et dans vos gestes, le tout teinté d’une certaine ouverture. Est-ce que maman est vraiment heureuse ? Est-ce qu’un super moment nous attend chez papa? Vous ne comprenez pas encore tout ce que notre séparation implique, ni même que votre vie vient de prendre un tournant sans retour. Moi non plus, je l’avoue. Mais je tente de sauver les meubles, en pensant à vous. Meubles que l’on devra se séparer sous peu.

La porte se referme, les portières claquent et la voiture de votre père tourne le coin, me laissant seule avec cet immense vide qui m’envahit et cette tranquillité inhabituelle que je ne connais pas. J’ai toujours détesté le silence et, bien que j’en rêvais parfois secrètement entre deux crises de bacon, un bébé qui hurle de faim, un enfant qui me réveille en m’appelant la nuit, j’ai envie de lui faire la peau. Je le hais du plus profond de mon âme parce qu’il me murmure que j’ai échoué, que je suis lamentable et que maintenant, mes deux humains préférés sont confrontés à ce que j’ai tenté de leur éviter depuis tout ce temps.

Les heures passent, mais le silence est bel et bien encore là. Il me confronte à moi-même, à cette partie de moi que je ne voulais pas visiter et je l’échangerais sans hésiter contre vos petites bouilles me répétant pour la millième fois de regarder vos pirouettes. Je l’observe, comme un animal sauvage qu’on aperçoit parfois lorsqu’on est au bon endroit au bon moment. Petite bête que seuls les plus chanceux ont la chance d’admirer. Je commence à le trouver beau, même si mon ego me rappelle constamment que je ne devrais pas. Parce qu’il est l’ultime symbole de votre absence.

L’heure du souper a sonné. Je n’ai même pas encore réalisé. La panique me prend tout à coup, rien n’est prêt, rien n’est prévu. Comment allez-vous pouvoir vous nourrir sainement, être bien repus et avoir tous vos nutriments si maman n’a rien prévu pour vous? Et puis je me souviens. Je n’ai pas à m’en soucier ce soir. Parce que je ne suis pas là, à vos côtés. J’oublie même de manger moi-même. Un effort. Tu ne peux pas te laisser aller comme ça. Prends sur toi. Dans peu de temps, ils seront revenus.

La nuit tombe, première fois que je vais me coucher sans vous avoir bordés. Je me sens démunie, désemparée. Ma routine du soir est tellement calquée sur la vôtre que je ne sais même plus comment agir seule, sans vous. Dois-je aller me coucher seule, dans cette grande maison, en compagnie de ce silence qui ne m’abandonne plus ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Comment vais-je pouvoir survivre à tout ça? Comment vais-je pouvoir recommencer tout ceci encore et encore ? Et surtout, pourquoi le voudrais-je?

Au beau milieu de la nuit, le silence me réveille. Il m’empêche de dormir. Il est tellement présent qu’il fait du bruit dans ma tête. Je ne sais pas comment accepter notre nouvelle réalité. Ni pourquoi. Comment a-t-on pu en arriver là ? Je suis seule, sans réponse à attendre de vivre toutes ces premières fois que je n’attendais pas et auxquelles je n’étais pas prête. M’accrochant à votre retour.

Crédit : Irina Polonina/Shutterstock.com
Mom Solo
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