On dit qu’un gars, c’est rough. On dit qu’un gars c’est méchant, c’est impulsif, c’est moins bon à l’école. Mais est-ce que les garçons naissent à ce point différents des filles ou c’est nous qui les éduquons comme ça ?
Avant d’en arriver à un homme impulsif qui peine à gérer ses émotions, il y a un enfant. Qui va à la garderie avec des filles. Qui se fait dire lors de chaque explosion d’émotions que c’est trop, qu’il doit apprendre à garder ce qu’il ressent pour lui. Parce que les tempêtes des garçons sont souvent intenses, ça dérange alors que des pleurs de filles, ça donne le goût de prendre soin d’elles et de sécher leurs larmes.
On ne sait pas quoi faire face à un débordement agressif chez un garçon. Lancer des objets, frapper, crier, c’est confrontant pour un adulte. Et si le garçon a le malheur de pleurer, il se fait encore dire que ce n’est pas digne d’un gars de faire ça. Que c’est moumoune. Que c’est tapette. Et pourtant, un garçon a les même besoins qu’une fille. De se faire rassurer. De se faire dire que son émotion est valide. Qu’il a le droit de la ressentir. Et qu’il a besoin d’aide pour la gérer. Si seulement on apprenait à nos garçons comment gérer leurs émotions dès la petite enfance et qu’on légitimait leur droit d’en ressentir de toutes les couleurs, on leur donnerait aussi le pouvoir de l’empathie.
Avant d’en arriver à un homme impulsif qui peine à gérer ses émotions, il y a un enfant. Qui va à la l’école. Assis sur une chaise cinq heures par jour, prisonnier d’un système scolaire conçu pour les élèves qui n’ont pas trop besoin de bouger, qui écoutent les consignes et qui suivent les règles. Dès qu’il n’entre pas dans le moule, on le montre du doigt. On lui dit qu’il est dérangeant. Qu’il doit être mis à part. Parce qu’il bouge trop. Parce qu’il parle trop. Parce qu’il se bouscule avec ses amis à la récréation, parce qu’il crie quand il joue avec ses amis, parce qu’il ne se calme pas dès qu’il entre dans l’école…
Avant d’en arriver à un homme impulsif qui peine à gérer ses émotions, il y a un adolescent. Un jeune qui traverse cette période en pleine quête identitaire alors que les modèles qu’on lui fournit sont trop souvent viriles, exubérants, invulnérables et intouchables. Il suffit de regarder les films « de gars » sur les grandes chaînes de télévision pour le constater. Au secondaire, il commence à avoir des copines. Il a aussi des cours d’éducation à la sexualité qui mettent l’emphase sur la négligence des gars dans les grossesse potentielles des filles parce que, bien entendu, c’est la faute des garçons si les filles tombent enceintes. Il vit aussi des peines d’amour. Mais on n’en parle pas parce que les garçons ne parlent pas de ça. Ils accusent le coup et se trouvent une autre fille alors que leur ex-copine en pleurs mange de la crème glacée avec sa mère ou ses amies pour se remettre pendant que son père jure de la protéger du prochain méchant garçon avec qui elle sortira.
Pendant les seize premières années de vie d’un garçon, on lui apprend qu’il est dérangeant. Qu’il ne correspond pas à ce qu’on attend de lui et qu’il doit se soumettre sans quoi il sera puni. Et on lui donne des envies de reprendre le contrôle qu’on lui a enlevé petit de la seule façon qu’on lui a appris; comme un homme. Loin des émotions, derrière une barricade de virilité et de testostérone.
Puis on éduque la génération de petits garçons d’après en leur rappelant constamment qu’il sont trop, qu’ils sont violents et qu’ils sont impulsifs et on apprend à nos filles à en avoir peur.
Puis la roue tourne.
Que personne ne se méprenne, rien ne justifie la violence. Mais nous avons bien des questions à nous poser.
![]() |
KATHERINE THIBAULT |
8 thoughts on “Nous éduquons bien mal nos garçons”