mother say goodbye to daughter

Je suis une maman de fin de semaine

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Presqu’au terme de cette première année loin de toi, ma fille, je suis enfin capable d’en parler. Moi qui avais la plume si productive, j’avais perdu le goût d’écrire, et encore davantage le goût de partager ça avec d’autres.

Une mère n’est pas préparée à ça, devenir une maman de fin de semaine. Parmi toutes mes amies séparées, il ne s’en trouve aucune qui partage ma réalité. Aucune qui ne passe que quatre petits jours par mois avec son enfant.

Il m’a d’abord fallu passer à travers la honte sociale d’être une mère sans son enfant. Comment j’allais expliquer ça aux autres? Comment j’allais affronter le regard d’autrui? « Elle n’a pas la garde de son enfant, elle doit être une mauvaise mère », c’est ce que je croyais qu’on penserait tout bas. Mais j’ai compris que de te laisser partir était le plus grand geste d’amour que je pouvais poser. Et que juste pour ça, j’étais la meilleure des mamans. J’ai relevé la tête et j’ai annoncé ton départ avec dignité. À ma famille, à ton enseignante, à mes amis, à mes collègues de travail. Personne ne m’a jugée. Au contraire, j’ai ressenti beaucoup d’empathie.

Il a fallu que je me forge une carapace, pour ne pas que tu sentes la peine immense que je ressentais car tu avais choisi d’aller vivre avec ton papa. Le matin d’été où je t’ai reconduit chez lui avec tes boîtes, à une heure d’ici, j’ai pleuré un peu quand même, devant toi. Je t’ai dit combien je t’aimais et je t’ai demandé une chose : que tu ne t’ennuies pas de moi comme tu t’étais ennuyée de lui. Je voulais que tu sois heureuse avec le choix que tu avais fait.

J’ai appris à vivre sans toi, libérée d’une partie de mes responsabilités, seule avec ta soeur plus vieille et plus autonome qui est restée avec moi. Je l’avoue, j’ai pu souffler un peu, enfin. Et ça non plus, je n’ai pas honte de le dire.

Aujourd’hui, j’assume mon rôle de maman de fin de semaine. Nos quatre jours ensemble sont précieux, remplis d’amour et de plaisir. Le vendredi où je vais te chercher, je compte les heures toute la journée. Quand je te reconnais à travers les autres enfants à la sortie de ton école, mon coeur bondit. Je te fais ton repas préféré chaque fois que tu viens à la maison, je te couvre d’attentions. Je te gâte plus que la normale. Je suis plus permissive aussi. Cette année, pas de devoirs à gérer. Pas de crises du matin pour se préparer pour l’école. Pas d’heure de coucher. Je suis comme ce papa de fin de semaine qu’on juge parce qu’il n’éduque pas vraiment son enfant. Mais je ne me sens pas coupable. Je connais la lourdeur des responsabilités de la monoparentalité à temps plein. Je fais confiance à ton papa pour voir à ton éducation comme je l’ai fait dans le passé, et comme je le referai possiblement dans le futur. En ce moment, je t’éduque autrement, avec mes valeurs et ma résilience, et je crois que je suis un bon modèle pour toi.

Le reste du temps, je te laisse vivre ta vie. Je ne communique pas avec toi chaque jour, mais je réponds avec enthousiasme quand tu me textes ou me Facetime pour me raconter tes peines et tes joies. Les emojis et les stickers sont devenus nos câlins, et on en abuse un peu parfois.

Je te vois grandir à distance et je te trouve belle, drôle et intelligente. Je suis si fière de toi ma grande fille.

Si tu décidais de revenir vivre avec moi, je serais la plus heureuse des mamans, mais pour l’instant, je suis ta maman de fin de semaine et je suis en paix avec ça, car je te vois heureuse dans la vie que tu as choisie et je sais maintenant que ça ne change rien à l’amour qui existe entre nous.

Je t’aime.

Crédit : Yuricazac/Shutterstock.com

Sophie Perron

Je suis la maman d’une 10 ans déjà ado et d’une 7 ans toujours prête à la suivre l’exemple de sa grande sœur un peu trop autonome. Zéro princesses, mes deux petites chipies me font mal paraître à peu près partout où on va, un déshonneur pour une ex-enseignante au primaire. Heureusement qu’il y a l’écriture pour en rire… ou pour en pleurer.

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4 Comments

  • Magnifique texte…
    Situation qui a du être très difficile au départ… J’imagine.
    C’est un peu ma crainte d’ici quelques années et si cela devait arriver un jour, j’espère pouvoir l’assumer aussi bien que vous… Belle remise en question, belle reconnaissance des « avantages », belle vision des choses et belle preuve d’amour… Vous semblez être une très chouette maman, réellement à l’écoute des besoins de sa fille…

  • Comme le disait la chanson ….si tous les gens était comme cette auteure,il n’y aurait plus de misères mais nous, nous serons tous mort mon frère ….quel beau texte …ce n’est pas ma réalité …mais je dis bravo pour la beauté de ce texte . Quelle intégrité, quelle simplicité! Touchant !

  • Bonjour je pleure en lisant votre message car je vit exactement cela et malheureusement je le vis mal

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