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La maternité m’a remplie de deuils silencieux

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Je suis mère. D’abord et avant tout. Avant moi. Avant nous. Avant vous.

Tous les jours, je les vois grandir, s’épanouir, se développer. Ils m’impressionnent. Derrière chaque fierté se cache une déception camouflée dans un épais brouillard d’égoïsme. Celle de ne jamais revivre ce moment précis, avec eux, pour eux. Leur réussite rime avec le temps qui passe et qui ne revient jamais. La maternité est une guirlande de photos en noir et blanc. Il n’y a que la nostalgie et les souvenirs qui survivent à chacune de leurs réalisations. Ils me font rire. Aux commissures de mes lèvres s’écoule, invisible, un liquide jaune au goût amer. Je ris jaune parce que je sais que c’est la dernière fois que leur innocence et leur naïveté vont m’attendrir ainsi.

Le temps écrase de tout son poids la douceur de leur enfance et les deuils silencieux s’accumulent, aussi tendres et impitoyables soient-ils. Incompréhensible, ingérable, imprévisible, la vie de maman est ponctuée de moments qui font naître les petits bonheurs étalés au grand jour et les profondes tristesses, tues par la réalité qui suit son cours sans jamais s’arrêter. Elle est un chemin jonché de contradictions bouleversantes, souvent enterrées dans la solitude des parents. La maternité, c’est côtoyer la vie, mais aussi de petites morts, chaque jour. C’est d’être capable de dire au revoir à toutes ces joies éphémères quotidiennes et d’espérer que l’avenir sera aussi chargé que le passé. Aimer mes enfants, c’est aussi d’accepter qu’ils vieillissent et qu’ils cheminent en laissant derrière eux un fil d’Ariane avec lequel je tricote les plus beaux souvenirs.

Une étape de leur vie comme un chapitre. Aussi facilement franchie que lorsqu’on tourne une page; les aventures  s’épuisent et la dernière ligne arrive trop vite. Sans regrets. Qu’une multitude d’étapes normales de leur vie ensevelies dans le cimetière des premières fois où chaque fois que j’y sens les fleurs, je souris vaguement en me rappelant. Je suis une femme, une mère, bien souvent endeuillée par le temps et son intransigeance.

La maternité m’a remplie de deuils silencieux, mais chaque minute en leur compagnie apaise l’appréhension du lendemain. Je préfère vivre en mourant à leurs côtés que de vivre sans les avoir près de moi. Ma souffrance est égoïste et douce.

Crédit : Natalia Deriabina/Shutterstock.com

Julie Pelletier

Bachelière ès arts et gourmande du verbe fin et de tartare, je consomme avidement les livres, le théâtre et la danse. Entre une coupe de vin blanc et une bière blanche, je m’abreuve de frissons et d’émoi. Du terrain de volley au tapis de mousse verte en forêt, je voyage souvent sur les territoires convoités de l’émerveillement. Certifiée maman d’un petit bonhomme et de deux belles jumelles identiques (quelques empreintes de la maternité à l’appui), je suis constamment ébranlée par des rafales d’émotions contradictoires. Ne mettez pas tout sur la faute des hormones, elles ont le dos large, mais j’ai le cœur encore plus grand!

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