man sad crying

Le papa qui a oublié son enfant dans la voiture

homme pleure

Ça tombe dans l’actualité comme une tonne de briques. Un papa a oublié son enfant dans la voiture en plein été. Les médias s’emparent des témoignages de tout un chacun. On apprend ce que le papa a hurlé, les gestes de désespoir qu’il a posés, la position foetale dans laquelle il s’est mise. Il voulait probablement se protéger de rien qui ne soit palpable, de rien que nous ne pouvons comprendre. Et parmi tout cela, beaucoup de gens jugent.

Et moi, je les juge en retour.

En 2003, une histoire très similaire s’était produite. Je m’en rappelle vivement. Je n’étais pas encore mère et ce qui m’avait le plus troublée, c’était que je comprenais ce papa. Je comprenais que ce qui lui est arrivé était possible. Pourtant, tout autour, j’entendais des “comment a-t-il pu?” et des “on ne peut pas oublier son enfant”. Je me suis mise à sa place, ce matin là. Il allait reconduire sa conjointe alors qu’habituellement, il allait à la garderie en premier lieu. La routine renversée. Je me suis imaginée cet enfant qui dort, qui ne fait plus un son dans son banc. J’ai compris. J’ai compris que ça pouvait se produire même si on aime notre enfant plus que tout.

Pour ceux et celles qui ne le savent pas, une routine avec des jeunes enfants, ça peut devenir très mécanique. Relaxer quand on ne dort pas beaucoup et qu’on a peu de moments seuls, ça peut vouloir dire mettre une toune de Metallica très fort quand on fait quatre rues en revenant de l’épicerie. Dans mon cas, j’oublie toujours de prendre la voie rapide le soir quand je rentre chez moi car je suis trop habituée de l’éviter à l’heure de pointe. Ces routines peuvent se calcifier. Et quand on fait un mélange hybride de tout ça avec la fatigue, on peut devenir plus inattentif qu’on le pense.

Ce qui fait que les gens jugent, c’est que l’oubli est cette fois irréversible. Dramatique. Et que pour eux, il a duré “une journée de temps”.

Un enfant est déjà tombé d’un escalier roulant dans un centre d’achats près de chez moi en se tenant après la rampe du côté extérieur. Il en est mort. Une seconde d’inattention. Les parents devaient se sentir extrêmement coupables. Déjà que devenir parent vient avec une culpabilité qui coule dans les veines pour bien peu.

Selon moi, le père qui a oublié son enfant dans la voiture ne l’a pas oublié dix heures de temps. Il a lui aussi probablement eu un moment d’inattention. Pendant ces dix heures, il a même peut-être souri en l’imaginant dans son flotteur à la piscine du motel lors de leurs récentes vacances. Il a lui aussi eu une distraction. Sinon, il n’aurait pas hurlé à son fils de respirer, les bras de chaque côté de son petit corps inanimé.

J’ai déjà perdu mon garçon dans la foule. Chaque fois que j’y pense, ça m’écoeure. Mais c’est fait et je n’y peux rien. Il a déjà sauté en oubliant de mettre son flotteur dans une piscine et heureusement, je le surveillais et j’ai sauté à l’eau. J’ai alors réalisé à quel point il ne fallait pas être loin pour sortir son enfant dans un délai physiologiquement acceptable. Cinq minutes avant, je voyais une belle fille en bikini et je la reluquais en me demandant où elle avait déniché ce magnifique deux-pièces. Si cette bombe de fille était passée quelques minutes plus tard, je n’aurais peut-être pas vu mon fils se débattre dans l’eau et ça me donne froid dans le dos.

Après avoir trouvé un bébé seul l’hiver dernier, les policières m’ont raconté que même dans les quartiers les plus cossus, des enfants subitement capables de sortir de leur bassinette sont parfois retrouvés sans parents en pleine rue, les réclamant au beau milieu de la nuit. Les parents peuvent dormir paisiblement pendant des heures sans jamais s’en rendre compte.

Tant d’anecdotes que vous ne connaissez pas et qui arrivent chez tous les parents de ce monde. Des anecdotes qui se racontent, comme ça, avec leur happy ending de « finalement, je l’ai retrouvé au kiosque d’information » ou de « je l’ai même pas entendu sortir de chez nous ».

Mais comme il est réconfortant de se sentir un peu supérieur devant cette fatalité, les gens jugent.

Même s’ils savent tous qu’ils ont déjà failli eux aussi à leur tâche.

Annie Richard

      ANNIE RICHARD

Crédit : Karel Miragaya/123RF.com

Annie Richard

Je suis une mi-trentenaire, maman d'un magnifique garçon de 8 ans et éducatrice spécialisée dans le milieu scolaire avec de jeunes autistes excessivement mignons. Je pratique la couture et quelques sports, que j'abandonne après la moindre embûche. J'ai aussi une fascination pour les dinosaures et Claude Poirier. Je trouvais ça important de le dire car ainsi, on évite les surprises. Bref, j'aime écrire et j'ai envie de vous partager toutes sortes de belles affaires, souvent comiques, dans ma vie de maman.

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17 Comments

  • C’est tout à fait ce que pense. Les routines, les surcharges , le stress sont tous des exemples qui peuvent mener au pire. Combien de fois le matin je vais porter mon garçon a la garderie (a pied dans mon cas) et que ma tête se trouve déjà au boulot entrain de planifier ma journée. Arrêter de juger, essayer plutôt de comprendre.
    Une maman de 3 enfants avec plein empathie pour ce père démoli et toute sa famille.

  • Ha mais tellement! Ça prends juste un petit rien… mon conjoint est déjà arrivé au travail et en sortant de l auto s est aperçu que le petit dormais profondément dans son siège, pourtant il le laissait tous les jours à la garderie, pourquoi ce matin là non? Je pense que dieu seul pourrait le dire, heureusement rien de fâcheux ne s est produit, mais pour l amour du ciel ne blâmer pas ces parents à qui le grand malheur arrivent… ils auront bien assez d une vie pour s en vouloir.

  • Et pourtant des pères pour qui le travail passe avant tout le reste, il y en a des milliers. Dès qu’ils sont en mode « travail », ils jonglent avec les problèmes de bureau bien plus qu’ils ne pensent à leurs enfants. Un peu plus d’argent pour les vacances, le party de bureau de Bidule qui part à la retraite, les factures à payer, l’hypothèque, la sortie avec des chums samedi, tout ça prend beaucoup de place, tandis que les enfants, qui sont là tout le temps, deviennent invisibles. C’est extrêmement triste de réaliser que ce que ce qui devrait être le plus important dans nos vies passe parfois au second plan,.

    • De toute evidence vous n avez rien compris au propos ici…ou bien vous n avez pas lu ? Ou vous avez lu avec votre tete sans que ca passe par le coeur ?? Ou vous avez un coeur de pierre….je vous souhaite de ne jamais avoir un malheur….

    • sans compter de nos jours, l’extrême importe que je voit des cellulaires, et leurs activitées………..regardeé vous bien allé………..

    • Même un parent pour qui ses enfants passent avant tout peut oublier son petit. Cela n’a rien à voir avec l’amour paternel/maternel ni avec le soin que l’on porte à nos enfants. C’est une question de réglage au cerveau.

      Habituellement les parents et les enfants ont une routine du matin et une routine du retour à la maison. Cette routine se fait comme a, suivi de b, suivi de c, suivi de l’arrivée au bureau. Genre:
      a. je quitte la maison avec mon enfant et mon conjoint
      b. je laisse le petit à la garderie
      c. je laisse mon conjoint au travail
      d. je file au bureau.

      À 16h je refais le chemin inverse: d, c, b et a.

      Si pour une raison imprévue, par exemple mon conjoint sera en retard, donc je commence par c (laisser mon conjoint à son travail)… mon cerveau est programmé que c est suivi de d… et je file au bureau. Heureusement, plusieurs personnes à qui ça arrive « se réveillent » au bout d’une ou deux minutes en entendant le petit brasser un jouet ou pleurer. Elles font demi-tour en se disant « Comment n’y avais-je pas pensé !!! » et vont mener l’enfant et arrivent en retard au bureau.

      D’autres facteurs interviennent en plus de celui de la routine changée. Genre: une entrevue passionnante à la radio qui capte notre attention ou encore des questions qu’on se pose au sujet du travail, etc. Mais à la base, c’est la routine inhabituelle la cause du drame. RIEN à voir avec l’amour et les soins donnés aux enfants.

  • Bien sûr, faut pas juger! Le jugement porté sur les autres est un abominable crime. Et puis, écouter Metallica à fond dans le tapis, c quand même plus intéressant que de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur. Pauvre papa…Et puis, l’innocent bb n’avait qu’à se manifester un peu plus fort que cet heavy metal (au fait, une pression musicale exagérée dans les oreilles d’un jeune enfant est très dommageable pour son système auditif…aïe…je m’égare…je juge). Un peu plus, on le décorerait cet héroïque papa pour avoir essayé de ranimer son enfant mort de sa négligence criminelle.

  • Jamais je ne blâmerai un parent qui fait une gaffe même si elle est désastreuse. Ils ont assez du poids de leur culpabilité à porter. Il faut cependant apprendre de ces erreurs, faire en sorte qu' »elle se reproduise pas. Inventer un détecteur de présence lors de la fermeutre d’une voiture. Je souhaite le meilleur à ce papa malgré sa souffrance et j »espère qu’il aura tout le soutien nécessaire psychologiquement.

  • On est plein de mécanismes lorsqu’on a de jeunes enfants, je me souviens d’un jour, il y a fort longtemps, où, ayant un enfant malade (4ans)je suis allée chercher son aîné (6ans) à l’école une de mes ados faisait la garde du « petit malade » et sans réfléchir je me suis présentée comme d’habitude à la porte d’entrée de mon petit, la maîtresse est devenue blanche, de peur, qu’était il arrivé à ce petit garçon? J’étais « hors sol » en automatisme sans reflexion, je me suis aussitôt excusée, très confuse, et ai récupéré l’aîné de 6 ans, suis rentrée, normalement, je n’oublie rien, enfin pas grand chose, là, une fois sortie de la maison à l’heure de récupérer les enfants je m’étais mise sur « conduite automatique » oubliant le reste.

    Oui, on peut oublier son enfant dans une routine « brisée », hélas!

  • C’est vrai que c’est difficile à comprendre qu’on puisse «oublier» son bébé pendant un instant… Mais ce que je comprends aussi, c’est que la vie de cet homme est brisée à jamais par la culpabilité qu’il doit ressentir, par le terrible deuil à faire et par la douleur que vivent tous les membres de sa famille «par sa faute»…. Très triste histoire.

  • 2007, fiston dort 9h par 24h, sur ces 9h il se réveille toutes les heures. Il a 1 an, même pas. J’envie mon mari qui peut dormir dans le RER, pourrait s’enfermer dans sa voiture (dans un parking souterrain) entre midi et 2. Je ne peux pas, toute la journée avec fiston dans les bras. Et la nuit réveillée toutes les heures. La privation de sommeil est un moyen de torture dans les prisons… mais aussi à la maison. Je rentre de chez une amie. Je me gare. Je réalise alors que je ne me souviens pas de la route prise, que je suis incapable de dire si j’ai pris la déviation. Je me rends compte que ma conversation avec cette amie est un énorme brouillard. De quoi avons-nous parlé ? Je n’ai pas dormi plus d’une heure d’affilé depuis plus de 3 mois.

    Ce jour là j’ai compris qu’on pouvait oublier un enfant dans sa voiture… sans même s’en apercevoir. Je ne suis personne pour juger ces parents.

  • J’avais 22 ans, je faisais une sieste en même temps que mon fils d’un an et demie. La porte était barrée, c’était une belle journée d,automne et des siestes on en faisait souvent. Mon fils s’est levé, est allé débarrer la porte et a descendu le grand escalier , s,est assis sur le trottoir et jouait sur le bord de la rue quand j,ai entendu frapper c’était une amie , mon fils en couche, par la main …..Je demeurais au coin d’une rue très achalandée, mon propriétaire a vu mon fils et n,a rien fait (le con) …
    Mon fils a 40 ans aujourd’hui j’en ai 62 et chaque fois que j’y pense, mon cœur serre et cela fait encore mal …..La peur que j’ai vu …… Vous pouvez bien juger les autres c’est une façon d’oublier vos propres erreurs ou d’évacuer les pensées d’horreur que cela serait si seulement …une minute, vous pouviez envisager la possibilité que cela vous soit arrivé…..à vous….

  • Je suis sans mots devant toute cette méchanceté. Quand j’ai entendu la nouvelle, j’ai, je l’avoue, remercié le ciel que ce ne soit pas mon enfant. Ensuite j’ai pensé au pauvre papa… au bébé qu’il a perdu, au sentiment de culpabilité qu’il aura toute sa vie et au couple qui ne survivra probablement pas à cette épreuve.

    Qui ne commet jamais d’erreurs? Oui celle-là à été fatale mais ça n’en demeure pas moins une maudite malchance.

    Je ne peux que me recueillir et offrir mes condoléances à la famille.

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