mother and daughter

Je ne suis pas la maman que je voudrais être

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Ma fille,

Ce soir, alors que je m’étends sous les couvertures, je retiens mes larmes en silence pour ne réveiller personne. Je me sens étouffée sous le poids du remords et de la honte. Je tire les couvertures par-dessus mon visage dans l’espoir de disparaître. Je me sens mal, je me sens moche, je me sens totalement incompétente.

Plus tôt dans la soirée, à l’heure du souper, tu t’agitais sur ta chaise. Tu balançais tes pieds en cognant à répétition sur la patte de la table. Chaque coup me volait une nouvelle parcelle de patience. Je n’avais qu’une envie, que tu cesses de gigoter. Pourtant, tu étais de bonne humeur, tu riais et parlais de ta journée… en gigotant… sans arrêt.

Inévitablement j’ai fini par te demander de te calmer, d’arrêter de te balancer les pattes de la sorte et ça a dégénéré.

Ce n’est qu’une fois parmi tant d’autres où je n’ai pas su apprécier ta bonne humeur. Plutôt que de rire avec toi, je t’ai reproché ton énergie, j’ai mis un frein à ta joie de vivre. Qu’est-ce que cela m’a apporté de te réprimander? Une nouvelle crise, des cris, des larmes. Toi, qui m’accuses de ne jamais te permettre de faire quoi que ce soit, moi qui me mords les lèvres pour garder mon sang-froid, le tout avec un arrière-goût amer de déjà-vu.

En me repassant le film de ce chaos, je me demande ce qui ne va pas chez moi. J’ai pourtant une chance extraordinaire, celle d’être ta maman, d’avoir droit à ton amour inconditionnel à chaque instant. Et moi, qu’est-ce que j’en fais de ce privilège? Je m’emporte, je m’essouffle, je reproche et je repousse.

Je suis si loin de la maman que j’aurais voulu être. J’aurais voulu être encore plus fabuleuse que la mienne. J’aurais aimé te lire des histoires à chaque soir pour t’endormir qui sont trop  souvent remplacées par des « pas ce soir ma pinotte, je suis occupée, demain peut-être ». Et tu repars déçue.

J’aurais voulu être la première maman dans les gradins à tes cours de natation. Mais je suis à l’arrière sur mon téléphone, à regarder des nouvelles insignifiantes, tellement moins importantes que toi.

J’aurais aimé danser avec toi dans le salon, qu’on fasse les folles. Mais je reste assise pendant que tu te plains que tu n’as rien à faire, dans ton éternelle recherche d’attention.

Je sais que c’est idiot. Que ces moments passeront vite, que tu vas vieillir et que dans quelques années, tu ne voudras plus danser avec moi. Je voudrais savoir profiter de ces instants quand on bricole ensemble, qu’on regarde un film collées ou qu’on fait de la musique cacophonique. J’ai toujours l’impression de ne pas pleinement le savourer, de ne pas assez en profiter. Je me sens toujours coupable de ne pas y arriver.

Tu sais ma puce, j’essaie vraiment fort de faire mieux. Je m’endors le soir dans l’espoir que demain sera un autre jour. Un jour où j’aurai la patience, la folie et l’affection nécessaires pour que ton petit coeur soit comblé. Et le pire c’est que pour toi, chaque jour est un renouveau où tu m’offres autant d’amour que la veille malgré mes maladresses.

Je ne sais pas si je suis digne d’être ta maman. Je t’aime sincèrement, mais j’ignore si c’est suffisant. Je voudrais faire mieux, parce que tu le mérites. Je voudrais que, quand à ton tour tu seras maman, tu te souviennes de nos bons moments. Je voudrais avoir été un plus dans ton coeur d’enfant.

Aujourd’hui, je m’endors en pleurant, déçue de ma performance de parent. Mais je sais que parfois, quand personne ne te comprend, je suis celle qui arrive à te faire sourire et je vais continuer de m’accrocher à ces instants.

Demain est un autre jour, un jour où j’aurai l’occasion de faire mieux, l’occasion d’être une bonne maman. En attendant, souviens-toi que je t’aime de tout mon coeur et ce, malgré toutes mes imperfections.

Crédit : pyrozhenka/Shutterstock.com

Marie-Jo Sauriol

De nature un peu casse-cou, j'ai découvert en 2013 un défi vraiment à la hauteur: Passer de célibataire, sans enfants à belle-maman, temps plein de 2 enfants et ce, du jour au lendemain. De quoi m'en donner pour mon argent. Même sauter d'un avion ou descendre en rappel ne procure pas autant d'émotions fortes. Entre le taekwondo, le ballet, le piano et tumbling, les répits sont courts. Mes décisions sont parfois contestées et mes interventions peuvent être discutables, mais mon amour, même imparfait, reste sincère. Vive les défis!

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3 Comments

  • magnifique lettre à votre fille. Qui me touche parce qu’elle reprend à l’identique ce que je ressens. Savoir qu’on n’est pas seule à se dire que demain on saura jouer, on saura rire et on sera enfin cette maman qu’on souhaite être.
    Merci Marie-Jo…

  • Quel magnifique message, introspectif et touchant. Ces prises de conscience sont un beau tremplin pour s’améliorer, devenir une meilleure version de soi-même. Merci pour ce partage!

  • Hyper touchant, je me retrouve certains soirs, cet horrible sentiment de culpabilité… Je pense que c’est inévitable, qu’il y aura toujours des moments de doute et de remords. Je pense aussi qu’il faut parfois remettre les choses en perspectives et être plus indulgentes envers nous-même. D’abord il y a évidemment bien pire que nous. Et puis la manière dont nous nous traitons se reflète dans la manière dont nous traitons les autres. Si nous nous jugeons constamment, nous ferons de même avec nos enfants. Apprenons à nous féliciter au quotidien pour tout ce que nous faisons bien. Enfin, il me semble que nous devons travailler un max sur le lâcher-prise, apprendre à être pleinement présent à chaque instant (même quand nos enfants ne sont pas là). C’est un exercice à pratiquer au quotidien pour parvenir, petit à petit, à mieux savourer les petits moments de joie, y compris ceux avec nos enfants (sans penser à « toutes ces choses que je dois encore faire et que je ne fais pas pendant que je joue aux légos »). C’est du travail. Je me dis souvent que mon enfant est un peu mon « Maître Zen » : il me met sans cesse à l’épreuve mais si je sais en tirer des enseignements, grâce à lui j’aurai grandi en sagesse, et ça ne peut que mener à un bonheur plus profond. 🙂 Bravo à vous pour la merveilleuse maman que vous êtes !

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