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À toi, l’enfant que j’ai laissé partir

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Je n’avais jamais eu d’opinion claire sur ce sujet. Ce sujet tabou, lourd pour certains, trop léger pour d’autres. Honnêtement, je ne suis toujours pas certaine de mon avis là-dessus.

Le jour où je me suis couchée sur cette longue chaise, où j’ai mis mes pieds dans les étriers, où j’ai fermé les yeux en me laissant transporter dans ce monde creux et sans souvenirs qu’apportent les sédatifs, je n’avais toujours pas d’opinion sur l’avortement.

Il faut dire que je n’avais jamais imaginé ces circonstances dans lesquelles une femme peut choisir, de son plein gré, de laisser partir cette petite boule de vie. Dans mon cas, aussi froid et cru que cela puisse paraître de l’exprimer; tu avais déjà tous tes membres. Tu bougeais déjà, bien que je ne m’en aperçoive pas encore. Mon ventre était déjà bien rebondi parce que oui, tu avais déjà seize semaines.

J’aimerais te dire que c’était la seule solution. Ce n’était pas le cas. J’aurais pu choisir de te garder en moi, malgré la dépression profonde dans laquelle j’étais, malgré le fait que je n’arrivais plus à m’alimenter, à me laver, à vivre. J’aurais pu consulter et tenter de remonter la pente le plus rapidement possible, avant que tu ne fasses ton arrivée.

La vérité, c’est que j’ai eu peur. Peur qu’un jour en te regardant, du haut de tes quinze années arrogantes et  malhabiles, je réalise que tu as trop écopé de mes choix, que tu es « tout croche » et que ce soit ma faute.

Je t’ai voulu. Oh! combien je t’ai désiré. Les deux lignes roses sur ce bout de plastique étaient les plus belles que j’ai jamais vues. Mais la vie m’a réservé un tournant pour le moins abrupt. Du jour au lendemain, l’amour de ma vie est parti. Il avait ses raisons, qui n’étaient pas les miennes. L’idée d’une famille unie est partie en même temps, avec le reste de mes espoirs, de mes rêves pour toi, pour nous.

Je pourrais le blâmer, me blâmer, mais j’ai cessé de le faire il y a longtemps. La décision de te dire au revoir, c’est moi qui l’ai prise. Et malgré ce qu’on peut en penser, je n’ai jamais été sûre. Je n’ai jamais été convaincue que je prenais la meilleure décision, jusqu’à aujourd’hui. Parce que presque deux ans plus tard, j’arrive à admettre que j’ai eu raison. Tu n’aurais pas eu la vie que tu méritais. Tu méritais un papa et une maman heureux, en santé et émotionnellement stables.

Si j’avais pu chuchoter des mots dans le creux de ta toute petite oreille avant de te laisser partir, je t’aurais dit que tu as été ma plus belle histoire d’amour. Que tu peux être fier de toi mon bébé, car grâce à toi, la vie a replacé mes pieds dans une meilleure direction. Tu as enlevé l’égoïsme de la petite fille en moi. Tu m’as permis de faire un deuil bien plus grand que ton absence.

Sache que je ne cesserai jamais de t’aimer. Où que tu sois, tu seras toujours mon premier bébé. Dans deux mois et une semaine, je laisserai un autre ballon blanc s’envoler vers le ciel. Un peu pour alléger mon cœur, mais surtout avec l’espoir que tu puisses l’attraper avec tes petites mains.

 

Crédit : Maridav/Shutterstock.com

La Collaboratrice dans l'Ombre

La Collaboratrice dans l'Ombre est la couverture utilisée par toutes les collaboratrices de l'équipe qui souhaitent écrire des articles crus et criant d'une vérité sans filtre. Souhaitant exprimer et assumer leurs opinions sans pour autant blesser leur entourage immédiat, elles préfèrent alors utiliser le couvert de l'anonymat.

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1 Comment

  • J’ai lu le billet À toi, l’enfant que j’ai laissé partir et j’en suis renversée. Pas facile de parler d’un sujet aussi tabou et délicat. L’avortement est toujours mal vu. « tu es égoiste de ne pas le mettre à terme ou le donner en adoption. ». Je ne dois pas être la seule qui ait entendu ces commentaires. Mais aussi éclairé a été mon choix, à cette époque, maintenant je ressens toujours ce petit vide, Et si… Et si je m’étais trompée! merci de m’aider à faire la paix avec mes choix.

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