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La mère en colère

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Tu aimes être mère. En tout cas, la plupart du temps.

Tu profites de la vie avec tes enfants pis ton chum. Tu ris, tu pleures, tu t’inquiètes.  Tu es une maman tout ce qu’il y a de plus normale.

Tu vis des sautes d’humeur, comme toutes les femmes. Tu les gères généralement assez bien. Des fois, ta famille te tape sur les nerfs. D’autres fois, tu vois bien que c’est toi qui leur tapes sur les nerfs. Mais ça se règle et la joie revient.

Jusque-là, tout va bien.

Mais un bon jour, quelque chose d’insidieux naît en toi. Quelque chose que tu combats, que tu ne veux pas laisser aller. Quelque chose qui te change.

Tu deviens la mère en colère. Cette mère que tu ne veux pas voir. Cette mère qui te fait honte. Mais cette mère existe en toi. Et des fois, elle prend le dessus sur ta belle joie de vivre.

Certains jours, tu te sens totalement incomprise. Tu as l’impression de ramer à contresens dans ta propre vie. Ton chum ne saisit pas ce que tu voudrais qu’il fasse pour t’aider. Tu te sens seule avec la charge immense de toute la maisonnée. Pis lui, tu as beau lui répéter, tu as le sentiment qu’il ne comprendra jamais. Ces jours-là, tu voudrais crier, mais tu ravales ta colère. Et elle te fait un nœud dans le ventre.

Certains matins, tu trouves que rien ne va assez vite pour toi. Les enfants reculent au lieu d’avancer. Tu cours comme une folle pour pouvoir réussir à arriver dans le temps, qui lui, continue d’avancer. La routine devient tellement lourde à porter pour toi, que tu sens que ta soupape est sur le bord de sauter. Et ces matins-là, elle saute. Ta colère s’exprime à coup d’impatience mal placée. Et tes enfants ne comprennent pas pourquoi maman est si fâchée.

D’autres jours, tu te sens complètement dépassée par les événements. Trop de travail, trop de devoirs, trop de lavage, trop de tout. Pis tu sens que tu n’es plus capable de le gérer. Tu te sens ensevelie dans ton propre quotidien. Toutes ces tâches qui s’accumulent, toutes ces listes dont tu ne vois jamais le bout. Ces jours-là, la colère te brûle l’intérieur. Cette colère qui te fait remettre en question la vie que tu as choisie.

Certains soirs, tu ne te sens pas à la hauteur. Tu considères que tu n’atteins pas les objectifs que tu t’étais fixés en devenant mère. Tu trouves que tu n’en fais pas assez pour le bonheur de tes enfants. Tu te compares et souvent, tu te perçois comme étant une bien mauvaise mère. Une mère qui ne fait pas les bons choix, une mère qui crie trop fort, une mère qui achète la paix. Ces soirs-là, tu es en colère contre toi-même. Et ça t’empêche de dormir tellement tu te détestes.

Certaines semaines, tu sacrerais toute ta vie là. Tu n’en peux plus d’entendre le mot maman répété des centaines de fois dans la même journée. Tu n’en peux plus de la conciliation travail-famille qui ne mène à rien à part être exténuée. Tu n’en peux plus de courir après les minutes pour pouvoir espérer en récupérer quelques-unes qui te permettraient de te reposer un peu. Tu n’en peux juste plus. Et ces semaines-là, tu hurles ta colère dans ta voiture lorsque les enfants sont enfin déposés à la garderie.

Certaines nuits, tu te sens trahie par la vie. Ta vie dans laquelle tu as mis tant d’efforts et d’énergie pour qu’elle soit construite à ton goût, selon tes rêves. Tu te sens trahie par un mari infidèle. Tu te sens trahie par une amie qui ne l’est plus. Tu te sens trahie par ta famille qui ne te soutient pas dans les épreuves. Tu te sens trahie par un patron qui ne t’offre pas la promotion tant espérée. Ces nuits-là, tu te noies dans une colère remplie de larmes. Une colère que tu n’oses pas vivre en plein jour.

Certains jours, tu ne sais pas pourquoi tu es en colère. Tu te lèves et elle est déjà là, prête à exploser. Chaque détail de ta vie devient un prétexte pour que ta colère se fasse entendre. Cette colère qui te ronge de l’intérieur et qui veut enfin sortir. Tu serres les poings, tu crispes la mâchoire. Tu sens la pression monter dans ta gorge, dans tes tempes. Puis tu cries cette colère qui t’habite en secret depuis trop longtemps. Tu cries fort, contre tout le monde. Et ça te fait du bien.

Ma belle maman, cesse de refouler ta colère.

Ta colère est là pour te faire comprendre que toi aussi, tu as tes limites.

Et que tu dois les respecter.

Tu as parfois honte d’exprimer ta colère, car elle te fait sentir faible. Sache que tu n’es pas faible : tu es simplement une mère comme toutes les autres.

Une mère qui parfois est en colère.

Mais une mère qui sème tellement de bonheur autour d’elle. Ne l’oublie jamais.

Audrey Roy
AUDREY ROY
Crédit : Pathdoc/Shutterstock.com

Audrey Roy

Super-maman de trois enfants dans la trentaine avancée, directrice en chef de ma famille reconstituée (presque) parfaite, ma vie est une source inépuisable de délires familiaux à écrire. Étant une ex-abonnée de l'organisation extrême, le petit dernier m'aura appris que le lâcher-prise est une valeur sûre pour survivre à mon quotidien. Fière mère indigne, écrire est pour moi un véritable plaisir coupable. Au plaisir de vous faire sourire (et de vous faire sentir moins seules dans vos tourments).

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6 Comments

  • Je suis votre blog depuis quelques temps déjà, et je me retrouve tellement dans vos articles.
    Celui-ci tout particulièrement. Mère de trois enfants, dont des jumelles, le quotidien n’est pas toujours simple et les corvées de ménages et autres prennent tellement de temps … que cette colère reste présente !
    Je tiens à vous remercier, tous, pour vos textes, vos mots, qui déculpabiliserait n’importe qu’elle mère qui en a besoin … être mère n’est pas toujours aisé.

  • J’ai les larmes aux yeux, tu as décrit exactement comment je me sens à tous les jours. Ça fait du bien de savoir qu’on est pas toute seule à vivre avec cette colère. Tu as réussi à mettre des mots sur ce que je pensais et vivais mais n’osais pas parler. Merci.

  • Merci, encore une fois. J’ai l’impression que vous êtes moi. Mais avec une plume. Vous traduisez en mots ce que je vis.
    Ça me fait un bien énorme de voir que je ne suis pas seule, que je ne suis pas LA seule.

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