Ma chère fille,
J’aimerais que ça soit si simple, ma belle. Parce que rien ne devrait être plus simple que d’être enfant. La joie au quotidien, l’absence de responsabilités, la beauté dans la facilité, le bonheur du jeu. De l’amour à profusion, tous ces choix déjà faits pour toi; un chemin qu’il ne te reste plus qu’à suivre. J’aimerais que tu voies tout ça avec tes yeux d’enfant. Mais tu en es souvent incapable, ma grande anxieuse. Ton angoisse maladive, ton trouble anxieux, rendent ta vie d’enfant compliquée.
Tu sais, la vie est remplie d’imprévus. Chaque seconde qui passe est différente de la précédente et de l’autre d’avant aussi. Tout un casse-tête pour toi. Tu aimerais avoir un plan détaillé de tout ce qui est prévu et de ce qui ne l’est pas, un menu de la semaine qui ne change plus, des mesures précises dans le temps et dans l’espace. J’essaie tant bien que mal de te sécuriser dans tous ces souhaits que tu fais bien malgré toi.
Parfois je me demande si je ne t’ai pas surprotégée, ma grande anxieuse. Je me demande si je ne fais pas un peu partie du problème. Je désire tant que tu sois heureuse, que tu ne manques de rien, que tu te réalises. Mais tu es si fragile et ta carapace est si frêle que je construis sans le vouloir une grande bulle de verre autour de toi. Je suis ton modèle, et si tout cela m’angoisse à mon tour, est-ce que j’ajoute des barreaux à ta prison d’anxiété?
Ton père et moi, on aime parfois dédramatiser en disant que tu as peur d’avoir peur. Nous rions alors que ça n’a rien de drôle. Parfois, c’est ce qu’on fait, nous, les adultes. Lorsqu’une situation est hors de notre contrôle, nous rions. Nous tentons de lâcher prise. L’espace de quelques minutes, ça nous permet de nous concentrer sur des choses plus amusantes. Toi, ma fille, tu arriveras peut-être un jour à lâcher prise. Un jour à la fois.
Pour l’instant, les petites craintes du quotidien se transforment en problèmes gigantesques lorsque tu dois les affronter. Je te regarde réagir et j’anticipe la boule au fond de ta gorge qui se forme quand on te présente simplement un nouveau légume. Ou une activité nouvelle. Ou encore une surprise. L’insécurité t’enveloppe et t’étouffe, ton sourire s’efface, un torrent d’émotions incontrôlables t’envahit. Parfois tu ris, parfois tu cris. Souvent, tu pleures.
J’aimerais que ça soit facile, ma belle fille. Mais, chaque seconde qui passe est un défi pour toi. Je tente de te comprendre, de t’aider à cheminer dans ton monde que ton trouble anxieux rend si complexe. Je te tends une main que parfois tu ne vois pas, tant tes yeux sont remplis de larmes et ton corps secoué de frissons incontrôlables.
Je t’aime, ne l’oublie jamais. Et c’est ensemble, grâce à cet amour, que nous traverserons cette immense montagne de l’anxiété.
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| LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
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