Je connais une mère qui n’en peut plus de ne pas dormir. Son fils de onze mois se réveille encore cinq fois par nuit. C’est des moments tough, on le sait toutes.
Mais je connais aussi une mère d’un adulte autiste qui ne fait pas ses nuits depuis dix-neuf ans. Depuis les dix-neuf dernières années, il se réveille fréquemment et bruyamment. Ça, on ne le sait pas toutes.
Je connais une mère qui est à bout parce que le terrible two de sa fille lui donne assez de broue dans l’toupet pour le crêper sans spray net. Ça gosse cette phase-là.
Mais je connais aussi une mère d’un ado autiste qui fait aussi des crises. Au restaurant. Dans le métro. Chez le médecin. Avec sa carrure d’homme. Pas avec la petitesse d’un deux ans. Ça accroche l’oeil du public, mettons.
Je connais une mère qui doit aller voir le directeur de l’école cette semaine parce que son fils se fait tabasser trop souvent par le même p’tit morveux depuis trois semaines.
Mais je connais aussi une mère d’une petite autiste avec une déficience profonde qui revient plusieurs fois par mois de l’école avec des blessures provenant d’un autre jeune anxieux. Deux morsures. Quatre grafignes. Trois paires de lunettes dans une année. Il n’y a qu’une seule école pour elle.
Je connais une mère qui rentre au travail à reculons car elle sent que son fils est pris en grippe. Il est turbulent à la garderie. L’éducatrice n’a pas l’air de l’aimer pour deux cennes.
Mais je connais aussi une mère d’un autiste avec des troubles graves de comportements qui peut frapper les gens qu’il aime, qui porte des couches et qui doit parfois séjourner à l’hôpital pour trouver le meilleur amalgame possible entre les neufs différents médicaments qu’il doit prendre pour gérer l’éventail des maux qui l’affligent. Je peux te garantir que quand un intervenant semble porter son fils dans son cœur, cette mère avec pourtant peu de moyens va trouver ce qu’il faut pour lui acheter une boîte de Ferrero Rocher à Noël. Il va sans dire que, magiquement, il y a dix fois plus d’amour que d’habitude dans chaque petit chocolat développé.
Je connais une mère qui se nourrit au café depuis que son fils est entré à la maternelle. Pas évident pour bien des mères. Ils entrent dans la vraie game et ça fait un peu peur.
Mais je connais également une maman qui ne feel pas tant pour un all you can eat non plus depuis que sa fille de vingt-et-un ans a fini l’école. Il n’y a plus beaucoup de place dans les centres de jour pour les adultes avec une déficience intellectuelle. Qui va s’occuper d’elle? Elle doit prendre un taxi avec un chauffeur aléatoire tous les jours. Elle ne parle pas. Elle ne se défend pas.
Loin de moi l’idée de faire paraître anodin le rôle d’une mère d’un enfant au parcours «normal». Ces instants nommés ci-haut, je les ai vécus et je les ai saupoudrés d’angoisse. Loin de moi aussi l’idée de faire paraître le rôle d’une maman d’un enfant aux besoins spéciaux comme étant une fatalité avec laquelle on peut se consoler en se comparant. Ces jeunes sont des diamants bruts, comme les autres. Leur parcours est différent mais tellement enrichissant. Chaque réussite les menant vers l’autonomie fait la joie de tous les gens qui les entourent.
Je voulais simplement vous parler de ces mamans au parcours ardu que je côtoie à tous les jours et qui méritent qu’on reconnaisse qu’elle sont des guerrières. Des guerrières de feu. Et bien évidemment, ces papas aussi. Je les vois souvent supporter leurs belles guerrières avec leur aplomb. Si vous ne savez pas c’est quoi l’aplomb, c’est une arme redoutable qui peut anéantir un tyrannosaure rien qu’avec un eye contact. Donc, ils se complètent. Se soutiennent.
Vous avez pas idée comment c’est beau à voir.
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ANNIE RICHARD |
6 thoughts on “La mère de l’enfant autiste”