maman ou ca de l'aide

Où ça, de l’aide ?

maman ou ca de l'aide

Tu n’avais même pas accouché que, déjà, ton entourage te promettait mer et monde. On va être là pour toi, si t’as besoin d’aide, n’hésite pas, on est pas loin.

Tu as eu droit aux traditionnelles cinquante visites de courtoisie à l’hôpital comme à la maison pour venir admirer le fruit de tes entrailles. Pour venir lui faire des guili-guili et te donner des conseils que tu n’avais peut-être même pas sollicités. Tu as passé à travers beaucoup de choses. Le beau-père qui sent la cigarette, la matante que tu vois une fois par année qui monopolise ton bébé et qui lui fait des becs à pincettes et j’en passe.

Tu as aussi eu droit à la visite qui ne s’annonce pas, celle qui arrive pile-poil quand tu peux enfin aller prendre ta douche et laver tes cheveux gras plein de vomi après deux heures d’allaitement non-stop parce que ton petit est en poussée de croissance. Cette même visite qui s’éternise et qui n’a pas l’air de comprendre que tu aimerais beaucoup aller te coucher au lieu de leur faire une autre tasse de café. Cette visite qui s’incruste sans te donner un coup de main. En bonne maman, tu n’as rien dit. Tu as fait des beaux sourires et tu l’as remerciée pour les beaux compliments et les cadeaux.

Et après ? Plus rien.

Après deux ou trois semaines, tu t’es retrouvée toute seule. Papa est retourné travailler et tu as pleuré comme on le fait toutes. Tu t’es retrouvée les deux bras pleins, débordée, l’aide promise n’est jamais venue et tu l’attends toujours.

À la place, tu te fais reprocher de ne pas avoir participé au dernier souper de la belle-famille ou celui de tes amis. C’est vrai, c’est plate. Mais sortir avec un bébé et peut-être même plusieurs autres enfants te demande de l’organisation digne d’un safari africain. Quand tu essaies de leur expliquer, tous autant qu’ils sont, ils n’ont pas l’air de comprendre que pour faire une sortie d’une heure, ça te prend le même temps de préparation. Que déplacer ta marmaille, ça ne se fait pas en criant ciseaux. Et c’est déprimant, parce que ceux qui te font des reproches sont exactement ceux qui t’avaient promis d’être là pour toi mais qui ne se sont jamais pointé le bout du nez.

Tu aurais tellement aimé qu’ils te proposent de l’aide. Aller chercher une caisse de couches parce que tu venais de passer de la taille 1 à la taille 2, aller chercher de l’Advil parce que le mal de dents de ta dernière t’as tenu réveillée une partie de la nuit, plier une p’tite brassée de pyjamas.

Et je ne te parle pas de la journée où tu étais vraiment malade. Tu sais, la seule fois où t’aurais eu besoin d’aide et que ton chum a osé appeler du renfort. Tu te souviens de ce qui s’est passé ? Non ? C’est parce qu’il ne s’est rien passé. Tu t’es démerdée toute seule comme une grande. Oublie ça, ça n’est jamais arrivé et ça n’arrivera jamais. Pourquoi?

Tout simplement parce que tout le monde te voit comme une Wondermaman. Celle pour qui tout semble toujours bien aller. Celles que les heures de sommeil en moins ne semblent pas affecter. Celle qui ne se plaint pas après le cinquantième ramassage de vomi de la journée. Celle qui a toujours une caisse de couches ou des restants plein son frigo pour le dîner du lendemain. Une pro gestionnaire du quotidien de grosse marmaille t’sais.

Je sais que c’est une façade. Que bien des nuits tu pleures en silence dans ton salon en berçant ta petite merveille pour qu’elle se rendorme après un épisode de larmes. Que parfois, tu agis sur le pilote automatique tellement tu es fatiguée. Mais ça, personne d’autre ne le sait.

Mais tu sais quoi? Un jour, tu vas te réveiller et tu vas être passée à travers de beaucoup de choses que tu ne te croyais pas capable d’accomplir. Tes enfants vont vieillir et ça ne sera pas nécessairement plus facile mais tu vas avoir appris à souffler un peu et à naviguer avec ta barque sans passer ton temps à rentrer dans la rive.

T’auras peut-être encore un peu de rancune au fond du coeur envers ceux qui n’auront pas su te comprendre. Mais tu te rendras vite compte que ça ne vaut pas la peine parce que ça fait juste te manger par en-dedans pour rien.

Concentre-toi sur tes moments de bonheur parce que je sais que c’est ce qui te permet de tenir le coup.

Et surtout, continue d’avancer la tête haute. Tu vas voir la lumière au bout du tunnel bientôt, j’te le promets.

Crédit : nomadsoul1 / 123RF Stock Photo

La Collaboratrice dans l'Ombre

La Collaboratrice dans l'Ombre est la couverture utilisée par toutes les collaboratrices de l'équipe qui souhaitent écrire des articles crus et criant d'une vérité sans filtre. Souhaitant exprimer et assumer leurs opinions sans pour autant blesser leur entourage immédiat, elles préfèrent alors utiliser le couvert de l'anonymat.

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3 Comments

  • Une amie m a dit qu elle adorait vote blog et j ai donc lu vos articles que j ai sincèrement adoré !!! Bravo à vous d être cette super mum !

    Merci encore pour vos articles ça nous fait avancer nous les mums 😉
    Sophie

  • Je vais peut-être me faire ramasser pour ce que je vais écrire mais je crois que ça a besoin d’être dit. L’être humain est un champion de se-plaindre-le-ventre-plein.

    Mon troisième enfant, mon fils, est né 13 semaines d’avance le 1er novembre dernier et a été hospitalisé près de trois mois. Il y a des moments où on pensait qu’il allait mourir. Ses petits poumons étaient trop malades, son coeur pas tout à fait formé, il faisait bip bip toute la journée, avec tous ses tubes et ses fils, avec les bouts de peau arrachés car il était trop fragile aux multiples prélèvements qu’on lui faisait. Pendant les trois premières semaines de sa vie, un tube assurant sa respiration passait entre ses cordes vocales. Je vous assure que ça fait pitié, un bébé qui ne fait pas de son en pleurant.

    À la maison, c’était le branle-bas de combat. Le 4 ans n’était pas à la garderie. La cocotte de 6 ans arrivait de l’école à 15h30. J’étais à l’hôpital 12 heures par jour, et Papa complétait le soir. On nous a offert de l’aide. Souvent maladroitement. Parfois inutilement. Avec une longue hospitalisation en vue, nous ne voulions pas épuiser notre réseau. Nous avons été profondément reconnaissants de tout ce que nous avons reçu. C’est certain que nous aurions aimé avoir une nounou à temps plein, une cuisinière, un chauffeur… Ça aurait drôlement simplifié les choses. Je ne dormais que quelques heures par nuit car je tirais mon lait au trois heures et souvent nous soignions aussi des enfants avec des petits bobos et des cauchemars. Pendant l’hospitalisation (et la chirurgie qui a suivi après notre sortie), les deux autres enfants ont successivement eu une pneumonie, un streptocoque et une otite du genre la-plus-grosse-qu’ils-avaient-vu-en-une-semaine chez le médecin. Mon mari et moi avons aussi eu les infections respiratoires saisonnières.

    Pourtant, nous nous sommes considérés profondément chanceux. Chanceux d’avoir les ressources pour affronter cette épreuve.

    Nous avons les moyens de payer pour une garderie. (J’ai vu des parents traîner leurs bambins à l’hôpital sans qu’ils n’aient le droit d’entrer dans l’unité néonatale).

    Nous avons une voiture (même deux!). (J’ai vu des mamans post-césarienne prendre le transport en commun pendant deux heures pour visiter leur bébé).

    Nous comprenons et parlons le français et l’anglais. (Avez-vous déjà essayé de comprendre comment allaiter, s’occuper d’un bébé, quelles ressources communautaires sont disponibles, sans compter des explications complexes sur la dysplasie bronchopulmonaire et la leukomalacie périventriculaire quand l’autre parle Arabe, Indonésien, Urdu?)

    Nous avons respectivement 39 et 40 ans. (Certains des parents avaient 17, 18, 19, 20 ans et très peu de ressources).

    Nous vivions à 25 minutes en auto de l’hôpital (Certains conduisaient 2 heures par jour, parfois plus avec la circulation d’heure de pointe et les tempêtes de neige).

    Et la liste pourrait s’éterniser.

    Il y a toujours plus malchanceux et plus chanceux que soi. La clé demeure notre capacité à regarder non pas notre malheur et notre nombril, mais à voir comment nous pourrions aider les autres qui en ont besoin. Si chacun d’entre nous s’ouvrait vers autrui en se demandant non pas « comment peuvent-ils m’aider » ou en se disant « je n’ai jamais d’aide! », il faudrait plutôt se dire: « comment puis-je aider cette personne? ».

    Quand nous nous sommes ouverts à voir ce que nous pourrions faire pour les autres parents de l’unité, par exemple donner un lift à une maman qui faisait des heures en transport en commun pour se déplacer, se mobiliser pour demander un meilleur aménagement de la salle parentale au personnel de l’hôpital, apporter une bouilloire pour l’usage de tous, nous avons vu un grand retour. Je me suis fait donner de la tisane d’allaitement. D’autres m’ont patiemment écoutée alors que je déversais tout mon stress et ma douleur. Les infirmières ont fait faire un cache-couche spécial pour mon bébé le jour de ma fête. Tout à coup, nous avions un réseau d’entraide. Il a d’abord fallu sortir de notre bulle « pauvre-de-nous », mais je dirais que l’expérience, aussi difficile fut-elle, a été transformatrice.

    Vous sentez que personne ne vous aide ? Quand avez-vous tendu la main à d’autres dans le besoin ?

    Arrêtons de nous plaindre et commençons plutôt à vivre ensemble. Tout le monde en arrache à sa façon. Tout le monde à les moyens d’aider à sa façon.

    Les gens les moins plaignards que j’ai connus étaient ceux qui avaient le plus de raisons de se plaindre… et vice-versa.

  • J’adore tes interventions. Tu as une vision bien réelle de la réalité de la maternité. Merci d’écrire tout haut ce que l’ont vis tout bas !!!
    Merci !!!
    PS. Les miens sont rendus à 18 et 21 ans. J’ai fini ma job avec fierté mais toute perdue avec tout le temps libre que j’ai mérité !

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