femme seule

Le coming out

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Crédit : magiceyes / 123RF Stock Photo

Je sens que j’ai épuisé mes ressources internes ces derniers temps. Et quand je dis derniers temps, je fais allusion aux derniers dix ans environ.

Ce fût insidieux, souvent camouflé dans du déni ou dans le désir de projeter une image. Facile à balayer sous le tapis à coup d’excuses ou de solutions boboches. En me convainquant que ce bon bain moussant me remettrait d’aplomb, à moins que ce soit en me couchant plus tôt, ou en recommençant à m’entraîner pour la xième fois, ou en prenant une petite brosse avec les chums de fille, ou en lisant cet autre ouvrage sur le cheminement personnel ou simplement en niant mes besoins émotionnels comme je le maîtrise si bien depuis des décennies.

Parce que j’ai appris, ou compris, c’est selon, que j’étais une femme forte. Pis une femme forte, ça passe aux travers des épreuves pis personne s’en rend compte, parce que de montrer que c’est dur ou d’en parler – parce que c’est lourd pour l’entourage – c’est montrer qu’elle n’est pas vraiment forte, que c’est une impostrice. Puis moi et ma foutue image de femme forte,  on ne pouvait pas envisager d’être faible, l’égo est un peu trop fort ici.

Vidée, je m’assis et c’est le seul truc que je ressens, le vide. Je parle au présent parce que je sais qu’il y est toujours en dedans. Comme un gros trou noir qui est sur le bord de démarrer son aspirateur pour aller chercher le peu qui me reste, caché en quelque part entre deux émotions ignorées. Je me suis pensée au-dessus de mes sentiments, au-dessus de leur ressenti surtout, mais ça te rattrape ces petites bêtes-là, ça ne reste pas éternellement sous le tapis. Puis quand ça ressort, ça fesse dans la dash.

Je viens de frencher le sous-sol de mon image de fille forte pis c’est pas super mignon. J’ai des vraies remises en question à explorer et je dois le faire avec honnêteté pour la première fois de ma vie. Je peux dire que c’est assez humiliant merci. En tout cas, surtout pour mon égo. La femme forte a la batterie à plat pis le chargeur n’est plus disponible donc on doit envisager des solutions de rechange. Je risque de faire des choix que beaucoup ne comprendront pas et jugeront. Ça aussi, il faut que je règle ça, me départir du jugement des autres que je crois ressentir alors qu’en fait, c’est moi, toujours moi, qui me juge. Ça tire du jus.

En fait, je fais mon coming out de fille à boutte du rouleau, qui est sûrement différente, distante, bizarre, irritable, qui est juste plus capable, qui prendrait une vacance de la vie d’adulte pour une couple d’années, mais qui est forcée de l’affronter une fois pour toute. Je dois remplir mon vide, mes ressources, mes espoirs, mes désirs, mes rêves, mon amour, mon estime avant que l’aspirateur du gros trou noir m’aspire pour de bon.

J’ai besoin de me retrouver, ça fait presque treize ans que j’ai perdu ma voie pis que je patauge de façon aléatoire dans ma vie. Je suis ma propre victime car je suis ma pire ennemie. J’ai pas vraiment de conclusion positive à insérer ici parce que je sais pas trop ça s’en va où, ce gâchis-là. Je ne peux pas reprendre le contrôle car je l’ai perdu. Autant apprendre le Saint-Graal du lâcher-prise maintenant. On verra où ça me mènera.

Écrire ce texte s’apparente à un échec monumental pour moi. Je ne veux pas faire la victime, je ne veux pas me faire plaindre et  je ne veux pas attirer l’attention.

Je ressens définitivement le besoin d’en parler, même si je me sens comme un disque rayé qui saute et répète la même rengaine.

Je souhaiterais juste être comprise. Je pense.

Sarah Perron

            SARAH PERRON

Sarah Perron

Maman accident d’une minie mignonne de 2 ans, je patauge dans l’anxiété du foutu perfectionnisme gracieusement hérité de ma mère et je tente de ne pas trop traumatiser l’héritière, parce que t’sais, c’est dispendieux des bons psychologues. Entrepreneure dans l’âme, éternelle indécise, sensible qui s’ignore, rêveuse et finalement, pas pire compliquée, assez sympathique, mais pas trop. J’évacue les poux qui stagnent au grenier par l’écriture et cherche un peu à changer le monde par mes extravagances vocabulaires. Attention à mes textes caustiques qui égratigneront les petites mentalités sensibles.

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20 Comments

  • J’aurais pu l’écrire ce texte là ! Être forte, longtemps, balayer sous le tapis, être distante et irritable, faire des choix et sentir que ça attriste les gens autour, le jugement (surtout le mien, qui est de loin plus sévère que celui des autres), les déceptions, le vide… Maintenant, se relever (tranquillement, trop à mon gout), douter, apprendre à penser à moi, à me faire plaisir, à rêver, à me pardonner. Paraît-il que j’en ressortirai grandit. Merci pour ton texte. Sache que tu m’as fait du bien ce matin.

  • Tellement !! Je te comprends. Il n’y a pas de honte à avoir même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Sache que tu n’est pas seule. Je pense que de se l’avouer enfin et d’en parler est un pas vers des solutions gagnantes. La société nous a montrée qu’être forte c’est admirable et « Winnier  » mais au fond il faut arrêter d’agir pour le paraître.

  • Salut Sarah, je te comprends, et probablement beaucoup de monde aussi, on est victimes de notre société de performance, dans laquelle écouter nos émotions, les exprimer (même les plus laides), prendre compte de nos besoins, être tannée, être en colère, être irritable, être impatiente, avoir envie de pitcher des assiettes par terre, crier, pleurer, être complètement épuisée physiquement et mentalement, signifie « être faible ». Bin tu sais quoi, moi je suis faible en esti, pis fière de l’être. Ca s’appelle juste être un être humain. Si tu veux me joindre dans le club des faibles, jte jure que c’est moins lourd à porter ;o)

  • Suis dans un sous-sol similaire à me demander si je dois remonter à l’étage où prendre une nouvelle porte. Femme forte également. Je nous souhaite la meilleure des issues!!!

  • Merci. Merci. Merci. J’espère avoir la force de dire ces mots moi-même. Si je pouvais les crier, il me semble que ça ferait du bien. Merci de les avoir écrit. Merci de me permettre de les lire. Merci d’être ce que tu es, à ce moment précis. L’avenir te sera grand, cela ne peut faire autrement.

  • C’est pas les occasions de se relever qui manquent…mais à chaque fois je retombe dans le brouillard. Je reprends ma vie en main pour 3 semaines et après je m’écroule, déçue de moi-même et encore plus triste de ne plus être la fille courageuse et pleine de vie que j’étais avant. Je continue de dériver jusqu’au prochain coup de pied au cul que je serai capable de me donner. On fait quoi quand on est comme ça???

    • Il faut être fière des 3 semaines qu’on a accompli et ne pas être dure sur soi parce qu’on a arrêté. Il faut mettre nos énergies à recommencer. Ne te décourage pas, cela peut prendre plusieurs fois avant que ce soit la bonne.

  • Merci pour ce texte.

    Je me vois sur absolument tous les passages. Au moins, on se sent moins seule.

  • Sarah, même chose ici, j’aurais pu l’écrire ce texte.. Ça fait du bien de voir qu’on est pas seule à se sentir comme ça.. Moi aussi, depuis pratiquement aussi longtemps, je dirais 11 ans que me semble que ca mène nulle part cette vie là, j’ai l’impression de tourner en rond dans un rond-point, me semble que les années passent et ca revient pas mal toujours à la même chose, je me retrouve toujours au point de départ, j’ai pas l’impression d’avancer.. J’ai pourtant toujours eu des buts clairs, des rêves précis, une idée définie de ma vie, de la vie que je voulais..

    Marie, je suis exactement à cette même étape de ma vie..

    Stephanie ta description de faible je suis pas mal comme ca moi aussi depuis quelques temps, trop longtemps, et les gens ne disent pas de nous que nous sommes faibles, mais plutôt que nous sommes négatifs, pi ça bin c’est pas bon pour eux dans leur vie parfaite, on tire trop de jus.. moi je pense que c’est normal d’avoir des émotions, c’est normal d’être triste, c’est normal d’être en colère, c’est normal d’être à boutte..

  • Merci merci merci et encore merci d’avoir dit tout haut comment je me sens tout bas. Les mots sont exactes. C’est difficile de se l’avouer quand qu’on le vie. Ton texte aide à mieux faire passer le tout.

  • Ouf! Quel courage d’avouer qu’on est plus capable! J’ai vécu ça. J’ai vécu un bon bout de temps comme un robot, coupée de mes émotions, de mes besoins. Si je m’étais permis de réfléchir à moi, un temps soit peu, j’étais faite! Puis c’est arrivé, j’ai craqué complètement… Je pensais mourir tellement le torrent de larmes était incontrôlable quand mon barrage a cédé. Ça m’a pris du temps à l’accepter mais je ne suis pas capable de tout faire, pas bonne dans tout et je dois cesser de me sentir coupable de ça. Fiou! Je te souhaite tellement que la situation s’améliore maintenant que tu as fait cette prise de conscience. Et si jamais tu as besoin de parler, il y a la ligne Info-Social au 8-1-1, on fait le #2 et on parle à un travailleur social 24/24. Prend soin de toi!

  • Tu sais y a des gens qui passe leur vie à ne pas ressentir le vide en dedans. Alors bravo de l’assumer. Parfois à l’intérieur du vide il y a de la beauté et de la quiétude. Du présent et surtout toi. Bon voyage!

  • J’ai pleuré en lisant ton texte. Il est comme une grosse claque en pleine face. Des mois que je chercher pourquoi je me fou de tout le monde depuis un temps, pourquoi je suis froide, pourquoi je n’ai même plus envie d’être collée avec mon chum que j’aime à la folie (et ça je vous jure je me suis posée la question des millions de fois si je l’aimais vraiment). C’est peut-être juste ça le problème au fond…j’en fait trop et je m’en demande trop. Merci de m’avoir fait pleuré …ça prenait peut-être juste ça!

  • Tu sais être forte c’est d’abord savoir qu’on ne c’est pas. En sachant qu’on ne c’est pas, on se respecte dans nos limites et cela projects une image de personne forte. Être forte c’est aussi savoir reconnaitre Quand ce que l’on fait est bon pour nous et ne pas se justifier pour seulement expliquer cela à une autre personne. Il suffix de repondre que ce que l’autre personne pense lui appartient et qu’il nous faudra être d’accord de pas être d’accord

    Et tout le reste tu l’as en toi! Des trucs simple c’est de choisir une temps dans la semaine qui nous appartienne, qui sois juste pour nous et puis choisir un autre temps où, en silence, on se laisse vivre. Cela peut être juste 5 min ou plus cela n’a pas d’importance. Le but c’est de donner un moment a tes emotions pour exister. Petit à petit le vide va se combler, mais que tu es realisé son existence c’est ce qui Compte!

  • C’est pas facile, mais en fait, c’est salutaire! Mon mari a fait une dépression l’an dernier, c’était horrible à traverser, mais il en ressort fort de nouveaux apprentissages, conscient de ses limites. On a réalisé a posteriori que c’était indispensable — c’était ça ou quelque chose de beaucoup plus grave.
    Tu as l’air consciente du problème, tu vas finir par trouver des solutions. Une fois que tu te seras ressourcée. Alors c’est tout, sauf un gâchis!

  • Bravo !!! Juste d’écrire ce texte, de faire cette prise de conscience, tu débutes ta guérison. J’ai passé par là et je m’en sors. Tu verras la vie est pas mal plus légerte quand on laisse tomber notre image de femme forte. Vive le vrai : oui on peut être forte et leader mais oui aussi on en a plein les bras pis on trouve ça difficile des fois! Je te souhaite une belle convalescence et guérison!!!

  • Merci de partager et de nous permettre à nous les « accompagnants » d’un tout petit mieux comprendre…. Soyez bénies et fortifiées dans votre faiblesse!

  • Je n’ai que 25 ans mais je comprends très bien. Je suis sur le bord du trou noir maid mon fils me retient… Je me sens vide, épuisé, seule et totalement incomprise. Je vis présentement la pire rupture de ma vie et je suis sur le bord du gouffre… Je ne sais plus du tout quoi faire de moi même en ce moment.

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