enfants chalet

Calvaire au chalet

enfants chalet

Dans la vie des gens normaux, le week-end-de-filles-avec-les-enfants-au-chalet-rustique-chic, c’t’encore pas mal un must. C’est vraiment pour ça que tu t’es fait berner comme une débutante quand l’invitation s’est pointée cette année. T’sais, ton cerveau a pas encore complètement assimilé le facteur enfant, ton jugement est altéré par la fatigue pis t’as vraiment mauditement besoin de tes vacances qui arrivent fait que tu t’es dit « Ben oui, pourquoi pas ? ». Tes arguments sont nombreux : ta chum sexy-urbaine-grano a apporté Petit Paul l’an dernier qui s’est amusé à manger des fougères et s’est émerveillé pendant des heures sur les vers de terre, ça va te faire d’adorables images de complicité mère-fils, assis sur le quai au coucher du soleil pis comme t’es entourée d’amies, ça va te faire plein de bras pour amuser les kids pendant que tu dégustes cosmos sur cosmos en bikini sur la véranda. Bref, tu t’voyais déjà comme dans un film, c’est pour ça que sans faire ni une ni deux, tu pactes les bagages de tout le monde, trois bouteilles de vin pis que tu pars sur les chapeaux de roues avec ta gang pour les Laurentides.

Cinq heures plus tard, t’es encore pognée sur la 440, avec trois enfants qui hurlent à pleins poumons «DÉÉÉBAARRQUEERRRRR», une van pleine jusqu’aux fenêtres de morceaux de biscuits pitchés à bout de bras pour faire taire un peu ta marmaille, une vague odeur d’urine qui te monte au nez pis le soleil qui chauffe tout ça. Ton estomac ressemble à une flaque d’acide, t’es déjà trempe en lavette, t’as un sourire crispé étampé dans’face pis tu chantes pour la trente-deuxième fois « Dans la ferme à Maturin », avec l’espoir futile d’alléger l’atmosphère.

Mais tu y crois encore pis tu t’accroches fermement à la vision du cosmos-sur-la-véranda. C’est pourquoi quand tu arrives finalement à destination avec deux heures de retard pis que les enfants se métamorphosent soudainement en chérubins aux yeux de biches, tu te méfies pas. En proud maman pintarde-vantarde que tu es, tu t’extasies devant ta progéniture qui descend d’la van en poussant des Ho et des Ha tous tendres, qui font des câlins à toute ta gang de filles, qui grignotent sagement leur souper pis filent se coucher sans dire un mot. C’est là ton erreur fatale. Au lieu de retourner de bord comme il se doit, paniquée par la situation, tu te convaincs que tu vas passer une fin de semaine idyllique et molo, tu envoies un texto à ton chum pour te vanter de ta maîtrise de la situation pis tu retournes avec tes chums t’envoyer une couple de cosmos pis un gros souper.

L’horreur ne débute que plus tard. Quand, pas mal pompette pis quand même pas pire fatiguée de ta journée, tu t’installes sous la couette en te disant que ta nuit est bien méritée pis que t’entends #2 se lever en panique dans son parc et vomir bruyamment dans le chalet silencieux l’intégralité de son repas, c’est-à-dire trois biberons de lait vanille pis des pattes d’ours. Tu l’ramasses par les pieds pis le colles contre toi pour pas qu’y réveille #1 et #3, ce qui ne fonctionne certainement pas. Concert de protestations et de hurlements déchirants dans la brise nocturne. Tu l’enroules dans l’tapis d’la table à langer, pis tu le mets sous les draps avec toi, tout gluant. Y est une heure du matin pis ton mal de cœur s’arrange pas. Tu pries, parce que c’est bien connu que le grand air ça aide à dormir pis que ta gang va sûrement se réveiller vers huit-neuf heures du matin.

Quatre heures plus tard, #1, #2 et #3 t’apprennent en chœur que c’t’histoire là, c’est juste une légende urbaine, en se levant avant le soleil et en réclamant du lait-lait. Fait que tu te lèves, ton odeur (de robine/vomi) suffisant à tenir les moustiques à distance pis t’essaies d’aller entertainer ton trio silencieusement dans ce qui s’annonce la plus longue journée de ta vie. Quand tes chums se lèvent pour déjeuner, ça fait déjà quatre heures que tu joues aux tites autos, que tu vas courir avec les roches dehors, que tu lis des histoires pis que tu danses avec nounours pis tu commences déjà à rêver à l’apéro (qui peut aussi se prendre avant le déjeuner).

Mais là, au lieu de faire preuve de cette belle indépendance qui les mène habituellement à refuser systématiquement et catégoriquement toute forme d’aide de ta part, ta bande d’ingrats se mets soudainement à ne vivre que pour toi. Ne veut qu’être dans tes bras et sur toi, au grand dépit de tes chums qui aimeraient donc ça câliner. À ne pas vouloir être ailleurs qu’accroché à ton cou, quand habituellement tu dois te battre pour le moindre bisou. La marche dans les bois, au gros soleil à trente-deux degrés se transforme en course à obstacle où t’en perds un, deux ou trois parce qu’ils sont frustrés pis qu’ils le manifestent en se roulant à terre pis les quarante minutes de marche prévues se transforme en deux heures. L’activité baignade, censée durer des heures, avorte brutalement quand le trio refuse catégoriquement d’embarquer dans l’eau et hurle comme un chat qu’on égorge à chaque centimètre de peau mouillé. Pis la journée est à l’avenant : prends un p’tit, consoles un autre, fais quarante aller-retour au tracteur, négocies chaque minute de paix contre un biscuit pis essais de tenir le coup.

Quand l’heure (légale) de l’apéro arrive, t’es à bout rare parce que ça fait un bon seize heures que tu joues au G.O. pis t’as pas encore tes-photos-de-complicité-mère-enfants. Donc tu décides de mettre fin à cette journée idyllique en répétant l’exploit du coucher de la veille. Mais comme il est rare que les miracles se produisent deux jours de suite, ta gang explose en une symphonie de cris, de pleurs et de protestations dont l’ampleur sonore augmente exponentiellement au fil du temps qui passe. Quand, une grosse heure plus tard, tu atteins enfin le but tant espéré (enfants endormis/apéro possible), tes chums oublient le verre pis te filent la bouteille de blanc au complet avec une paille. T’es rendue là.

Au souper, t’as juste le temps de relaxer un peu (pis de t’enfiler au passage la moitié d’une bouteille de rouge) que le concert reprend, mais cette fois, avec la force de Métallica qui se déchaîne dans le centre Vidéotron. Ça trouble, comme qui dirait, la quiétude de la nuit pis des voisins. #1 hurle sa vie, #2 refait le coup du vomi et #3 escalade frénétiquement son parc pour sauver sa vie en péril. Impossible de les calmer, que ce soit à coup de lait, de câlins ou de promesse de les étriper au jour levant. Y’a un défilé de faces désolées à la porte qui te proposent toutes les solutions du monde qui bien sûr ne fonctionnent pas dans ton scénario d’Exorciste. Après deux heures du cauchemar maternel le plus ignoble qui soit, sonnée et pleine de bleus, avec quatre heures de sommeil dans l’corps, tu mets tout l’monde dans la van pour un p’tit tour dans l’rang. Pis quand, à deux heures du matin, après une heure de route en braillant toutes les larmes de ton corps, tu vois qu’y sont ben endormis, tu t’rends compte que t’es complètement fourrée, parce que tu pourras jamais les sortir de là sans déchaîner une nouvelles fois les foudres enfantines. Fait que tu te stationnes devant le chalet, tu les couvres tendrement dans leur banc d’auto pis tu te couches avec la couverte du chien sul’ plancher de la van, en pensant vaguement que tu vas en rire un jour.

Ce jour-là, c’est le lendemain, qui commence exactement à quatre heures du matin, avant le lever du soleil, quand tu te réveilles avec #2 qui te tapote gentiment la tête du bout du pied en chantonnant « dooodoo mammann », et qui réveille #1 et #2. Quand tes chums se lèvent, trois heures plus tard, elles aussi un peu poquées de l’horribilis nuit, elles trouvent ta marmaille tranquillement assise en cercle, chantonnant et lisant de mignons petits livres en jouant aux autos. Pis c’est exactement là que quelqu’un prend LA photo. T’sais, celle où tu couves tes trois poussins radieux, cernée jusqu’aux oreilles pis pleine de piqûres de moustiques dans ton pyjama taché de vomi, mais ben fière d’avoir passé ta première fin de semaine au chalet avec ta progéniture.

Maman Au Cube

            MAMAN AU CUBE

Maman Au Cube

Je suis une maman tout ce qu’il a de plus ordinaire, sauf que j’ai trois bébés du même âge. Ils sont parfaitement gros, parfaitement en santé, parfaitement plates, nommément #1, #2 et #3. Ça fait qu’à quatre, on n’entre pas pantoute dans le moule de la Maternité-parfaite, ni même dans celle de la maternité normale. Grande acerbe devant l’Éternel, chialeuse de compétition, critique perpétuelle, je n’aspire à rien d’autre qu’à faire comme tout le monde, sans jamais y arriver. Faut comprendre, le monde est fou !!!!

Plus d'articles

Post navigation

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *