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Mon ex

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Mon ex est un enfant. Le nombre incalculable de niaiseries qu’il peut dire à l’intérieur d’une même heure dépasse l’entendement et lui confère une légèreté désarmante. Il déteste faire le ménage, pratique l’art de la pile vestimentaire dans le coin là-bas et la vaisselle sale ne le dérange pas. Il peut inventer une chanson spontanément dont les paroles traitent normalement de chats, d’orang-outang et/ou de poils et s’avère bien déçu lorsqu’on ne l’accompagne pas d’un petit pas de danse. Lorsque je suis tombée enceinte et que nous avons appris la nouvelle à son entourage, la face leur a tombé et je les ai pratiquement tous entendu penser : « Ce gars-là, papa ? Bonne chance fille. » Ils avaient plus ou moins raison; comme la plupart des nouvelles Mamans, je gérais la maison, le ménage, le lavage, le bébé et le souper et lui mettait ses bas sals sur la table, salissait son linge, donnait un biberon par jour, changeait une couche par jour en exprimant son dégoût haut et fort avec son chandail relevé jusqu’au-dessus du nez et mangeait son souper tout en continuant de chanter des chansons d’orang-outan avec la même vigueur. Ce n’est pas ce qui a mené notre relation  à sa perte mais force est d’admettre que cette légèreté qui m’avait d’abord charmée s’est mise à attiser mon exaspération.

Quand nous nous sommes quitté deux ans plus tard, mon ex m’a appris qu’il souhaitait une garde partagée équitable. 50/50. J’ai pleuré. Parce que je ne pouvais pas accepter d’être séparée de mon bébé. Parce que je ne pouvais pas concevoir rater le moitié de sa vie. Puis j’ai eu peur. Comment mon ex, cet enfant éternel, allait pouvoir s’occuper du nôtre, seul, sans la supervision d’un adulte, une semaine sur deux ? Il allait le fucker pour la vie. Il ne ferait jamais son lit, mangerait des bonbons pour déjeuner, pour diner et pour souper, prendrait son bain une fois tous les trois jours, porterait le même t-shirt pendant ces mêmes trois jours, ne se laverait jamais les mains après avoir fait pipi, se laisserait trainer à qui mieux-mieux sans réprimande jusqu’à ce qu’on ne voit plus le sol et serait encouragé à chanter des chansons d’orang-outan perpétuellement jusqu’à ses 18 ans. Il n’aurait plus de routine de dodo, plus de routine de lever, plus de règles, plus de cadre et deviendrait sans doute un adolescent rebelle complètement incontrôlable. Mon ex deviendrait son idole, je deviendrais son tyran et il me renierait à 12 ans et partirait vivre chez son père pour toujours. Je n’aurais plus de bébé. Je n’aurais plus de fils.

Je me fis littéralement violence et dis oui, sans me battre, sans rien dire. Parce que mon fils adorait son père et mon ex adorait son fils et je n’avais fondamentalement pas le droit de les priver l’un de l’autre. L’avenir nous dirait si j’avais tort ou raison de craindre le pire.

Les premiers mois se sont avérés très pénibles. En fait, je me suis avérée très pénible. Je demandais un rapport quotidien et parfois horaire. Avait-il mangé des fruits pour déjeuner ? Il ne fallait pas oublier les 4 à 6 portions portions recommandées quotidiennement par le guide alimentaire canadien. Pas de biscuits avant 10h00 ? Si on l’habituait au sucre le matin on ne s’en sortirait pas. Pas plus de 15 minutes de télévision quotidiennement ? Selon une recherche faite aux États-Unis, au-delà de ça, c’était sérieusement nocif pour le cerveau. Au moins une heure dehors ? Il faisait tellement beau. S’était-il bien couché à 13h00  et à quelle heure s’était-il réveillé ? S’il ne faisait pas de sieste, il allait être complètement fucké pour la semaine et s’il dormait trop longtemps il n’y aurait plus moyen de le coucher.  Mon ex répondait à toutes mes questions par téléphone, Facebook et iMessage avec une patience inébranlable, et c’est pourtant moi, par moments, qui me permettais d’être exaspérée par son délai de réponse qui variait entre 5 à 15 minutes. Jamais il n’a levé le ton. Jamais il ne m’a demandé de lui poser moins de questions ou d’arrêter de l’appeler. Jamais il n’a laissé transparaître que je lui tapais sérieusement sur les nerfs même si ça devait clairement être le cas. Il respectait l’ampleur de l’amour inconditionnel que j’avais pour notre fils et mon inquiétude même si celle-ci indiquait clairement mon manque de confiance en lui.  Un manque de confiance qui n’avait pas lieu d’être.

Puis il a appris à cuisiner; la première fois que je l’ai vu lancer son steak haché dans la poêle pour faire un pâté chinois, j’admets avoir eu un choc. Puis il a fait le ménage; je suis rentrée chez lui, j’ai vu le plancher et je suis restée sans mot.  Puis il a disputé notre garçon pour une raison totalement justifiée; son ton parfait a donné le résultat escompté instantanément et la gueule m’est tombée par terre.  Puis il lui a appris à faire du vélo, lui qui était si peu moteur; aujourd’hui, c’est lui le meilleur et ça le rend tellement fier. Puis il m’a suggéré d’acheter un tableau et des craies pour lui apprendre à compter. Puis s’est inquiété de sa santé et m’a recommandé de lui tonner du sirop contre la toux avant le dodo. Puis lui a appris à faire pipi debout. Chaque semaine, force est de constater que mon garçon me revenait en un morceau, en santé, souriant et heureux. Certes, il portait parfois le même T-shirt deux journées consécutives et il me disait parfois qu’il avait mangé des bonbons pour déjeuner. Mais quand on y pense bien, qu’est-ce que ça fait ?

Les choses ont changé pour de bon quand j’ai accepté que le temps que mon ex passait avec mon fils ne m’appartenait pas.  Quand j’ai admis que je l’avais choisi pour être le père de mon enfant parce qu’il était foncièrement bon et qu’il avait le cœur grand comme une maison. Quand j’ai compris que rien n’était plus important pour lui que notre fils et que personne ne saurait jamais l’aimer plus, ou mieux. Même pas moi.

Au-delà de notre séparation, mon ex, sache que j’apprécie la vie pleine d’amour que tu construis autour de notre garçon et tout ce que tu lui apportes qui contribue à faire de lui un petit être incroyable qui grandit avec le sourire et qui respire le bonheur de vivre.

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Maude Michaud

Fondatrice de la plateforme La Parfaite Maman Cinglante et auteure, j’adore informer, divertir et partager mes réflexions sur la parentalité mais aussi une multitude de sujets qui touchent les femmes de près et de loin.

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