woman looking at window drinking wine

Chaque vendredi, tu sirotes ta coupe de vin pour te convaincre que le pire est passé

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Quand tu étais étourdie la semaine dernière, tu as cru que c’était à cause de l’insomnie. Quand ton genou a crié à l’aide lors de ta dernière sortie de jogging, tu as mis cela sur la faute de tes espadrilles usées. Quand tu t’es mise à pleurer en route vers le boulot ou en changeant la couche du petit dernier, tu as conclu que ton SPM était trop intense, mais que tout irait bien demain. Tu as regardé des dizaines de fois les symptômes de dépression, d’épuisement, de fibromyalgie et de fatigue chronique. C’est possible que ton corps souffre, mais comme tu le fais passer après une ribambelle de choses futiles, tu endures. Il n’y a jamais de feu sans fumée et un jour, il n’aura plus de voix à force de crier. Tu peux bien frôler la cybercondrie et t’imaginer raide morte en écrivant tes symptômes sur Internet; si tu ne consultes pas, tu ne sauras jamais décoder tes maux.

Certaines nuits où tu te relèves pour bercer tes petits, tu regardes en pleine face ton « gros » corps qui en arrache et tu as peur. Tu pourrais dire ton petit corps, mais la réalité est que tu le traites toujours de « gros », car tout ce que tu vois, c’est qu’il dépasse de partout et tombe mou. Ton corps n’arrive plus à suivre tes idées, mais tu te convaincs que tu as réussi parce que tu le maltraites sur le tapis roulant pour revenir à ta taille d’avant. Ton corps veut juste marcher pénard et se reposer. Il veut que tu cesses de penser tout le temps, que tu arrêtes de le priver de nourriture et que tu reprennes goût au présent.

Tu sais quoi, ça se peut que ton malaise soit plus un cocktail de fatigue et d’anxiété du futurisme familial aigu avec un petit parasol rose de la vie de famille parfaite, des pailles articulées qui laissent passer les mottons émotifs sans oublier les petits glaçons de faux besoins de consommation. Eh oui! Un drink parental bien populaire que toute la société nous sert jour après jour sans jamais offrir de support moral et physique pour le digérer.

La maladie du futurisme familial aigu, ça consiste à se donner du trouble en double pour mieux apprécier demain. Tu peux effectivement passer ta vie à planifier tes repas, mais si tu n’as plus faim, ni de plaisir au souper, ça sert à quoi? Tu penses souvent que demain sera meilleur, que tes enfants seront plus gentils et que ta vie sera belle le jour de paie. Et que dire de ton attente obsessive du vendredi et de ton TOC de la fin de semaine parfaite.

Chaque vendredi, tu sirotes ta coupe de vin pour te convaincre que le pire est passé et que la fin de semaine va te réanimer. Épuisée, tu te sers plutôt une couple de remises en question à savoir si ton couple est encore vivant, si ton travail te rend heureuse, si ton corps a maigri et si la fête d’amis sera réussie. Tu te demandes ce qui ne tourne pas rond chez toi. Tu as pourtant tout pour être heureuse, un chum, une famille, une maison, un travail, quelques amies. Voyons, tu as réussi ma belle, ENJOY! Réussi quoi? Tu te juges quand tu ne fais pas tes tâches à temps, quand tu ne les fais pas pantoute, si tu les fais trop tôt ou trop tard. Il reste quoi pour te satisfaire? Continuer de pendouiller ta vie à ce verre de Pinot gris, t’accrocher à ce fameux 19h30 pour que les enfants dorment, espérer le mois de mars pour que la neige fonde, anticiper le prochain congé comme si la survie de ton espèce en dépendait, mais le futur c’est loin.

Tu lis, tu médites, tu es yogi, mais toute la vie te propulse en avant. Le rythme des saisons est révolu. Tu prépares Noël en octobre, tu gères la rentrée en juin, tu magasines le linge d’été en septembre. Et si préparer ton futur ruinait ton présent. Anticiper, planifier, rêver, espérer. Toute la vie sert à te préparer, comme si l’anxiété allait te permettre de survivre le moment venu.

Mais c’est assez et cette année, tu vas t’entraîner à boycotter le futur. Ne plus vivre pour le meilleur à venir, mais pour rendre meilleur ton présent. Cesser d’attendre la fin de semaine pour profiter, faire une sieste au lieu de faire du lavage, prendre une marche au lieu de courir, manger ton mets préféré le lundi, faire l’amour un mercredi, sortir de ta routine et ralentir ta vie.

Porter attention aux larmes et aux malaises que tu tais depuis trop longtemps, prendre enfin ce rendez-vous médical ou trouver l’aide dont tu as besoin. Tu pourrais même engager une aide-ménagère après révision de ton budget de restaurants, de fêtes d’enfants et de décoration, car ton nouveau divan et ses coussins en poils malaisiens ne te redonneront pas ton sourire bien longtemps.

À la fin de l’année, tu seras prête à franchir la ligne d’arrivée, mais cette fois sans médaille, sans record, sans souvenirs, ni photos pour tes médias sociaux, juste ton beau grand sourire qui te chuchotera : « Bravo ma belle amie, tu t’es enfin choisie! ».

Crédit : KieferPix/Shutterstock.com

Natacha Lahaie

Mère monoparentale de deux filles, je cherche l’antidote à la superwoman car j’ai aussi ma garde-robe de capes! Polyvalente, je m’intéresse à la politique, à la construction mais tout autant à la féminité. Pourquoi choisir entre sa cape et ses bottes à cap? Éternelle étudiante, j’ai une maîtrise en communication numérique et je retourne continuellement sur les bancs d’école tantôt en gouvernement électronique puis en gestion publique. Un jour m’est venue cette idée de profiter activement de ma double vie de monoparentale et de solitaire : je suis devenue grimpeuse de montagnes, joggeuse, skieuse et me voilà blogueuse, tant que cela me rend heureuse!

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