baby running out

On m’a volé mon bébé

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Lorsque tu étais bien au chaud dans mon ventre, je regardais les bébés autour de moi, je voyais des petits êtres recroquevillés sur leurs minuscules poings, les yeux souvent fermés. Sereins. Des petits humains emmitouflés dans plein de doudous. Des petites boules de chaleur qui font naître la maman ourse en moi, celle qui protège à en mourir et qui s’accapare de leur vulnérabilité. Leur crâne dégarni, mou, fragile, me donne le goût de les toucher, de m’y coller. Je renifle leur pyjama en flanelle trop grand et je m’attendris.

Mon bébé, tu es né costaud et avec beaucoup de cheveux. Si bien que depuis ta naissance les étrangers me parlent de ta carrure et de ton toupet, qui en prennent large. Alors que tous se trompent sur ton âge, maman et papa se laissent voguer sur les commentaires et tentent de se rattacher à la réalité : tu es petit, sans défense et tu as encore besoin de nous. En petit singe que tu es, tu grimpes déjà partout. Tu trimballes des jouets plutôt lourds entre tes grosses paluches larges et potelées. Entre tes biberons, tu manges presque autant qu’un enfant d’âge préscolaire. Tu tapes, tu lances, tu te chamailles comme le font les petits garçons plus vieux.

Le Temps m’a pris mon bébé et je cours derrière Lui. Je suis essoufflée. Lorsqu’enfin je vous rattrape, tu me montres de quoi tu es capable maintenant. Je crois innocemment que tes nuits sont beaucoup plus longues qu’elles ne le paraissent. Tu te fais kidnapper par les Heures. Elles rapetissent tes vêtements, tirent sur tes ongles et tes cheveux, gonflent ta bedaine et tes joues. Elles te susurrent des choses à l’oreille.  Tu te lèves chaque matin et tes yeux brillent de plus belle de curiosité, de savoir, de découverte.

Où est mon bébé tout nouveau, tout chaud? On ne m’a donné que très peu de journées où j’avais peur de te briser, où tu devais porter une tuque pour ne pas avoir froid. J’ai troqué trop rapidement tes belles petites pantoufles aux bottines de marche. J’aurais aimé que le tic-tac piétine un peu pour que stagne ta fragilité. Mon bébé, ta maman trouve ça difficile de te voir grandir malgré que je sois si fière de toi.  Sache que l’odeur qui se cache dans ton cou lorsque je te respire en fermant les yeux me fait revivre tes premiers jours de vie et adoucit ma nostalgie comme un réconfort nécessaire.

Crédit : Maksim Fesenko/Shutterstock.com

Julie Pelletier

Bachelière ès arts et gourmande du verbe fin et de tartare, je consomme avidement les livres, le théâtre et la danse. Entre une coupe de vin blanc et une bière blanche, je m’abreuve de frissons et d’émoi. Du terrain de volley au tapis de mousse verte en forêt, je voyage souvent sur les territoires convoités de l’émerveillement. Certifiée maman d’un petit bonhomme et de deux belles jumelles identiques (quelques empreintes de la maternité à l’appui), je suis constamment ébranlée par des rafales d’émotions contradictoires. Ne mettez pas tout sur la faute des hormones, elles ont le dos large, mais j’ai le cœur encore plus grand!

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