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La revanche de papa : ma traumatisante vasectomie

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« Si tu m’aimes vraiment, tu vas le faire » a été le meilleur argument que ma conjointe a trouvé pour me convaincre de me faire vasectomiser la virilité (croyait-elle). Finalement, c’est quand elle a menacé de retirer de son agenda la douce gâterie qu’elle m’offre hebdomadairement entre sa teinture de repousse et sa brassée de blanc que j’ai ramolli et décidé de me soumettre. C’est d’ailleurs particulier quand elle me fait ma brassée de blanc personnelle avec son casque de coloration sur la tête, mais c’est le seul moment que nous avons trouvé dans la grille horaire débordante d’activités que l’on s’impose.

Mais pourquoi faire ça, une vasectomie!? D’ailleurs, c’est quoi ce mot vaseux qui se termine avec un prénom de gars!? Je l’aime et je suis fier de mon sperme tel qu’il est. Je ne veux pas le changer. Je rêve d’une semence forte, puissante, digne, orgueilleuse, qui se tient debout. Pas d’une flasque flaque infirme, diminuée et sans vie laissant des taches pâles et drabes.  Il semblerait cependant que je n’ai pas droit de regard sur mon corps, sur mon être. Après tout, je ne suis qu’un pauvre homme dans ce monde cruel.

J’entame donc les préparatifs. Je vais chez Costco acheter le plus gros sac de pois congelés de l’histoire de l’industrie du pois.  »Mais qui peut bien consommer tant de pois? » me dis-je.  »Possiblement que c’est pour les rencontres de groupes des Vasectomisés Anonymes. L’intervenante doit préparer un petit ziploc bien frais pour chaque participant » me réponds-je.  Je ne choisis pas une marque maison car il semblerait que ça rétablit moins bien selon mon ami Nico qui a vécu l’excision de sa masculinité il y a quelques années déjà. Lui, elle ne lui avait vraiment pas laissé le choix. Sa douce l’avait menacé d’inviter la belle-mère souper tous les samedis que la vie apporterait s’il refusait cette castration déguisée, pauvre y’able. C’était très déloyal comme combat. C’était perdu d’avance.

 Je me rends à mon rendez-vous. Comme de raison, c’est UNE médecin qui pratique l’intervention. Oui, on dit « intervention » car, à son dire, c’est trop bénin et commun pour employer le mot « opération ». Malgré ses gants de latex, je sens ses mains glaciales se poser sur ma bourse, ajoutant à la froideur du traumatisme que je vis. Tel le gars du câble qui rentre chez vous avec ses grosses bottes sales et à qui tu dis de ne pas faire attention au ménage, elle joue dans mon intimité en coupant et en passant du filage un peu partout. Par contre, inversement à la compagnie de télédistribution, je me dis qu’il serait bien que ce service ralentisse ma haute vitesse.

C’est terminé, je regagne mon domicile non pas avant d’avoir demandé mon suçon à la réceptionniste. Je reste sur le divan toute la fin de semaine, sac froid sur sac chaud. Je regarde tout le sport que je veux à la télé et je suis exempté des tâches ménagères grâce à mon billet du médecin. Je dois avouer qu’il y a tout de même un bon côté à cette ablation de l’ego. C’est comme une sorte de récompense pour avoir fait preuve de courage et d’héroïsme.

Les années passent et je m’habitue à ma nouvelle condition. Ma rémission se déroule sans rechute et je me réapproprie mon corps. J’apprends à revivre et à accepter mon handicap. Malheureusement, la vie ne nous épargne pas et ma conjointe et moi nous séparons. Je finis par rencontrer une femme de quelques années ma cadette avec qui je passe du temps de qualité. Tout va pour le mieux jusqu’au fatidique jour où elle m’annonce qu’elle souhaite avoir des enfants.

Je lui dis que l’état physiologique dans lequel je me trouve rend la chose impossible. Me dévoilant soudainement ses compétences et connaissances en soudure, elle me rétorque que la technologie d’aujourd’hui permet de reconnecter les fils sectionnés. Toute la souffrance que j’ai vécue resurgit en moi et je réponds négativement à sa demande prétextant que je suis trop fragile pour affronter ce cauchemar une fois de plus. Elle me regarde avec compassion et, alors que je sens qu’elle veut m’épargner tendrement toute cette douleur, elle me lance de son regard mielleux  »Si tu m’aimes vraiment, tu vas le faire »…

Crédit : Alexandrovskyi/Shutterstock.com

Michael Melvin

Fier père de deux enfants. Amant des mots, manipulateur de la langue et tripoteux de notes. Je nous observe, je nous analyse et je couche sur papier nos agissements d'une encre pas toujours délicate.

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