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Notre famille recomposée : je n’ai pas pu résister

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J’ai acheté sept chaises.

Pas deux, pas quatre, pas six. Sept.

Sept chaises en bois.

Je n’ai pas pu résister.

Je le sais.

On fait attention à nos sous, on surveille nos dépenses, on a de la misère à joindre les deux bouts, on retarde trop souvent des paiements pour mettre du pain et du beurre sur la table, on se nourrit de toutec’kireste quand c’est notre semaine sans les enfants parce qu’on veut économiser, pour faire une épicerie gigantesque à leur retour. Retour qu’on attend toujours impatiemment.

Je le sais.

Pis moi, ben.

J’perds le contrôle. J’me lâche lousse. J’m’emballe. J’fais une folle de moi. J’achète sept chaises. En bois. Vintage. Au diable les dépenses! Sors le vin de dépanneur. On part sur une dérape, à souère on l’échappe, PAAAAARTTYYYYYY.

Tu restes assis là devant moi et tu me regardes avec tes beaux grands yeux, découragé de mon enthousiasme excessif, un peu à boute:  « C’est toujours ben juste des chaises, chose! »

Oui, c’est juste des chaises. Juste sept chaises en bois.

Nos sept chaises en bois à nous. À eux. Aux tiens et aux miens. Ensemble.  Ce n’est pas n’importe quelles chaises. C’est les nôtres. Nos sept chaises en bois afin de s’asseoir tous ensemble à la table pour manger, rire, jouer aux cartes, prendre un café. Froid. Trop souvent.

Et ça, pour moi, ça vaut tous les bonheurs du monde.

Comme quand tu pars seul avec les miens pour une randonnée en forêt. Comme quand tu me laisses partir seule à pied avec les tiens pour manger une crème glacée à la crèmerie du coin. Comme quand tu réveilles les miens à grands coups de cuillère sur le chaudron. Comme quand tu me laisses lire aux tiens une histoire avant de dormir. Comme quand on part ensemble, les tiens, les miens, toi, et moi, à l’aventure. Ensemble. En famille.

C’est peut-être toujours ben juste des chaises, chose, mais c’est chaises-là sont à notre famille à nous, notre famille recomposée, notre famille d’amour fou. Quand je regarde nos sept chaises en bois, je vois nos enfants, pas « les tiens » ou « les miens ». « Nos » enfants, à nous. Ça me rend heureuse. J’aime ça « nos » enfants. C’est doux et mélodieux. J’aime ça qu’il n’y ait plus de « les tiens » et de « les miens ».

On en a fait du chemin ensemble, on en a mangé des croûtes. On en a traversé des misères.

C’est joli, nos sept chaises avec nos enfants à nous. Notre famille. Puis, le matin quand je vais à la cuisine et que les chaises sont vides parce que ce n’est pas notre semaine, mon cœur se serre, j’ai le vague à l’âme. Je viens tout à l’envers. Je trouve ça difficile. Les larmes aux yeux, j’ai juste envie de manger debout sur le bord du comptoir de la cuisine. Je me sens nue en dedans. C’est vide. Ça manque d’assiettes qui traînent, de verres d’eau qui se renversent, de « non, on recrache pas » « on laisse la nourriture dans notre assiette » « pas toi, toi, elle reste dans ta bouche, toi dans ton assiette » « dépose…la… cuillère…et personne ne va se faire mal ». Ça manque de gloussements et de fous rires.

Tu peux bien me regarder, assis sur ta chaise en bois, avec tes beaux grands yeux découragés autant que tu veux, reste que je nous ai toujours ben juste acheté sept chaises qui valent tout le bonheur du monde, chose.

Je n’ai pas pu résister.

Je le sais.

Crédit : Rawpixel.com/Shutterstock.com

Lily Côté

Maman dans la quarantaine investie dans une famille recomposée de cinq enfants du "terrible two" jusqu'aux ados, je réussis quand même à trouver le temps pour relaxer dans un bain avec un bon verre de vin à la main entre le travail, les tâches ménagères, les devoirs et les activités sportives et artistiques de tout la bande. C'est moi, la mère en running shoes qui est toujours à moitié peignée et que vous voyez arriver en retard à la finale du tournoi de ses enfants ou à la dernière minute pour le cours d'art. Avec mon premier, j'ai essayé de suivre tous les standards imposés aux mamans et j'ai échoué de façon magistrale. J'ai donc plutôt choisi d'être parent au rythme des saisons et de l'évolution de ma troupe. Un combat à la fois.

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2 Comments

  • Oui c’est une histoire d’amour au pluriel. L’amour ça se multiplie. La mienne c’est joint au siens. Ils font maintenant la plus belle tribu du monde. J’aime mon chum d’un amour fou.. encore plus quand je le vois s’occuper d’elle avec autant de tendresse qu’avec les siens. Quand je vois sa marmaille et la mienne rire aux éclats, se chamailler, jaser dans leurs lits bien après le couvre feu. Quand je sens la mélancolie de la mienne grandir au fur et à mesure des jours qui les séparent, je sais que la famille est là. Mes six chaises je les ai peintes et la table aussi pour que tous les repas soient nos moments à nous. Ma famille elle est peut-être à temps partiel dans ma maison, mais dans mon coeur c’est du temps plein.

  • OMG
    Ici aussi, on est 7, les nôtres. Les siennes, les miens, lui et moi. Une histoire d’amour, un combat continuel. Ça fait 4 ans et même si c’est difficile, je sais pas si je referais les choses autrement.
    C’est effectivement très vide notre semaine juste à 2, ça manque clairement de vie, mais ça nous permet d’apprécier les moments passés ensemble encore plus.
    On dirait que tu racontes mon histoire à moi aussi <3

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