little boy sad

Mon enfant difficile rejeté partout

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Ça a commencé avec la garderie. « Il ne peut plus venir ici » qu’on m’a dit. On a regardé ailleurs, trouvé un autre endroit en attendant la rentrée scolaire. On t’a accueilli jusqu’à ce que tu quittes avec une petite tape dans le dos et un soupir de soulagement.

L’école t’a vite fait comprendre que tu devais agir autrement. Mais « agir », ça veut dire quoi, maman ? Ça veut dire faire comme les autres, mon chéri. Pour toi, c’est difficile, alors on t’avertit. Les avertissements ne donnant pas les résultats escomptés, on a commencé à t’exclure.

Chaque année c’est du pareil au même, comme une routine qui s’installe. Il paraît que c’est bon pour les enfants la routine, les habitudes. La tienne, c’est le rejet.  Au troisième avertissement, c’est terminé, tu le vis à chaque année. Sans compter qu’à tous les étés, le camp de jour te dit au revoir avant les autres enfants. Ta médaille d’or, je voudrais qu’on puisse la jeter, je déteste ta première position de l’enfant rejeté.

Parce que au-delà de tes comportements, je suis ta mère. Celle qui, à la maison, fait de son mieux pour t’apprendre à affronter la vie. Celle qui, avec amour, souhaite ton bonheur, ton épanouissement. Je m’efforce de te montrer les règles du savoir-vivre, je m’efforce de t’aider à devenir un enfant socialement adapté qui aura des amis et qui sera heureux dans sa vie. Ça se complique quand tu es en groupe. Je le sais bien. Mais je ne suis plus là dans ces contextes pour t’aider. Je suis loin, à me ronger les sangs en pensant à ton fonctionnement.

Mon cœur fait trois tours à chaque fois que le téléphone sonne. Chaque sonnerie qui m’annonce que toi, mon enfant, tu ne pourras plus jouer au soccer, aller au service de garde, fréquenter le camp de jour. Ce coup de téléphone où on me demande d’aller te chercher parce qu’encore une fois, ça s’est mal passé.

La gorge serrée, les yeux dans l’eau, accrochée au volant de ma voiture comme si ma vie en dépendait, je vais te chercher et je te ramène dans notre monde. Celui où l’on se retrouve tous les deux, coupés du reste du monde. Un instant qui nous permet de respirer un peu mieux. On s’enferme alors dans cet espace-temps qui nous appartient juste à nous. Où l’on peut ne plus répondre aux normes sociales jusqu’à ce que l’on franchisse de nouveau le pas de la porte vers le monde extérieur.

Parce que l’accumulation de rejets, ça me tue. C’est comme si tu devenais un phénomène de foire. Comme si la seule place qu’il te restait dans la société était dans une cage de verre exposée dans un musée sous la rubrique de l’enfant terrible. L’enfant qui a socialement à échouer. Plus on t’exclut et plus on te marginalise. Plus on te marginalise, plus on t’envoie comme message qu’il n’y a pas de place pour toi.

Ma place de mère aussi, je ne sais plus elle est où. Je la sens qui s’effrite au fil des commentaires et des observations des gens avec des titres professionnels qui disent vouloir t’aider. Ma place de mère disparaît tranquillement pour laisser place aux recommandations savantes de plein de monde qui ont, oui beaucoup d’expertise, mais qui ne sont pas ta mère. Il n’en demeure pas moins que malgré moi, je me sens parfois comme une étrangère quand je remets en question mon rôle. Quand je réponds « oui oui » à des suggestions qui vont contre mes valeurs. Quand on sème le doute dans mon esprit en me jurant d’être empathique à la situation que vit mon enfant. Mais que mon enfant doit changer pour s’adapter au système.

Contrairement à tous les endroits qu’il va fréquenter, je ne mettrai jamais mon enfant en dehors de ma famille après son troisième avertissement. Parce que je l’aime et que je suis contente de lui offrir un endroit où il peut être lui-même sans pression et sans jugement. Parce que non, je n’encourage pas ses mauvais comportements, mais mon cœur de mère ne peut pas faire autrement que de le rassurer quand, après un autre rejet, il me demande si je vais l’aimer encore. Parce que oui, mon enfant, quand il se fait rejeter,  il pense qu’on ne l’aime plus.

À grands coups d’amour, j’essaie de lui transmettre des valeurs de tolérance, d’amour de soi et de confiance et je lui réserve une place bien à lui dans notre chez-nous, la plus grande possible pour qu’il ne se sente pas restreint comme partout ailleurs.

Malgré tout ça, tous les matins, il se lève et me sourit. Il me dit qu’il est heureux et qu’il aime sa vie.

Je sais que ta joie de vivre va te sauver, mon bonhomme. Mon cœur de mère sait aussi que ce sont toutes tes belles qualités qui t’aideront à devenir la personne que tu dois être. Lâche pas, mon garçon, il y aura une place pour toi. Elle n’existe peut-être pas encore et tu devras la créer. Et moi, je serai là, avec toi, pour la découvrir.

Crédit : Fresnel/Shutterstock.com

La Collaboratrice dans l'Ombre

La Collaboratrice dans l'Ombre est la couverture utilisée par toutes les collaboratrices de l'équipe qui souhaitent écrire des articles crus et criant d'une vérité sans filtre. Souhaitant exprimer et assumer leurs opinions sans pour autant blesser leur entourage immédiat, elles préfèrent alors utiliser le couvert de l'anonymat.

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2 Comments

  • Ce fameux système. Je n’y ai jamais eu ma place. J’ai simplement appris à faire semblant. Ma mère qui allait aux réunions d’école. Je parlais trop, je n’avais pas assez d’amis, ma solitude et mon intelligence n’étaient pas normales… C’était une autre époque. Des problèmes de santé mentale non diagnostiqués. Regrets de mes parents. Ne lâchez pas.

  • Mausus, ça me rend tellement triste 🙁
    Les enfants scolarisés a domicile sont plus ouvert à la différence, les « groupes » sont plus petits lors des activités entre familles et nous pouvons intervenir en cas de besoin car nous sommes présentes. Nos enfants différents (ou pas) apprennent à leur rythme à gérer leur difficultés et fini les rejets. Ils peuvent être des enfants tout simplement.

    Bon courage.

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