Ta grossesse ectopique

woman crying

On entend souvent parler de la fausse couche.  Toutes celles qui l’ont vécue et qui sortent de l’ombre te le diront, t’as l’impression de perdre une partie de ton coeur avec ton bébé si désiré, aussi minuscule était-il.

Mais aujourd’hui, j’ai envie de te parler d’une autre game, une game moins connue mais tout aussi difficile à jouer.  Une game dont on parle beaucoup moins, j’ai le goût de te parler de la grossesse ectopique.

Sa définition, si tu sais pas c’est quoi, c’est une grossesse qui s’implante ailleurs que dans l’utérus, le plus souvent dans la trompe.  On sait pas toujours trop pourquoi, mais ça arrive.

Ça a été mon cas.

J’ai pas vécu de « vraie » fausse couche, comme quelqu’un m’a déjà dit, je peux pas comprendre, comme on m’a dit.

C’est vrai, je peux pas comprendre ce que c’est de voir son corps rejeter son bébé ou de voir son coeur cesser de battre tout simplement.  Mais celle qui a fait une fausse couche peut pas comprendre non plus comment ça peut se passer de mon côté du miroir.

Quand on te diagnostique une grossesse ectopique, t’es déjà passée par toute une batterie de tests parce qu’en quelque part, tu savais que quelque chose clochait. Si t’es chanceuse, tu tombes sur un médecin compréhensif qui t’aide à passer par là.  Malheureusement, c’est pas toujours le cas.

Quand le docteur te lance candidement que « y’a clairement pas de grossesse dans cette utérus-là », ton monde  s’écroule et des milliers de questions te popent dans la tête.  Mais le système de santé étant ce qu’il est, on n’a pas vraiment le temps de te répondre.  Ça fait qu’on te renvoie dans la salle d’attente en attendant que tu sois « prise en charge ».

Pis là, pendant que tu attends, y’a inévitablement une pensée qui te vient en tête.  Ton petit amas de cellules-là, il s’est juste perdu en chemin.  Malgré tout, il va bien.  Il a peut-être déjà un coeur qui bat, il est pas si différent d’un autre amas de cellules qui se serait fait un nid au creux de ton ventre.  Mais là, maintenant, toi, pour ta santé, tu n’as pas le choix de le déloger.  Parce que oui, une grossesse ectopique, ça met ta vie en danger.

C’est là que ton monde s’arrête de tourner alors qu’il spinnait encore à te donner le tournis quelques secondes plus tôt.  Peu importe tes croyances, tes convictions, tes pensées ou tes valeurs, tu sais que tu dois tuer ton bébé.  T’as pas le choix.  Pis malheureusement, ça se fait pas vite fait à coup de scalpel. Ce serait trop simple pour la médecine moderne.  Pour « détruire la masse », on t’injecte une dose de méthotrexate.  Ça, ma belle, c’est le même médicament qu’on utilise pour traiter le cancer. Comme si l’amas de cellules avec qui t’étais tombée en amour au moment où t’as vu le + était en fait un monstre. On t’injecte ce poison-là comme si ce n’était rien pis on te renvoie chez vous.

Mieux vaut être bien entourée, parce pour le système, si le traitement fonctionne, ton cas s’arrête là.  Mais toi, tu te retrouves chez vous avec tes questions, ton incompréhension et ton impuissance face à ta situation.  Tu bous par en dedans, t’as juste envie de hurler, de pleurer, de frapper, de t’effondrer pis c’est ce que tu finis par faire.  Mais quand tu t’écroules, épuisée, la douleur, l’impuissance et l’incompréhension, elles, restent, et y’a personne pour t’expliquer.  Y’a personne pour te comprendre non plus.  Tu ne peux rien faire.  Tu peux juste attendre que ça passe pis vivre avec le après.

Parce qu’après, il y a les conséquences du méthotrexate. Même si on t’a injecté une très petite dose, t’as mal au coeur, t’es fatiguée, tu perds des cheveux et ton système immunitaire tombe à zéro.

Mais c’est tellement pas le pire.

Après, t’as la peur qui te tient au plus profond de tes tripes.  La peur que ça arrive encore, que ton corps te trahisse une autre fois, parce que tu comprends même pas pourquoi il t’a trahie une première fois.

Tu vis avec la tristesse d’avoir perdu ton bébé, même si pour beaucoup, ça n’en était pas encore un, même si pour plusieurs, ce n’était rien de moins qu’un accident, une maladie.  Pour toi, il était bien là, bien réel, avec tes rêves, ton amour et ton bonheur.  T’as l’impression qu’il faudrait que ton deuil n’en soit pas un. Qu’il n’est pas à la hauteur de ceux des autres. Mais c’est faux , ma belle.

Ton deuil, il est aussi vrai qu’un autre et il faut prendre le temps de le vivre.  Ça peut prendre des jours, des mois, mais tu n’oublieras jamais ce petit être que tu as perdu, juste parce qu’il s’est perdu.  Peut-être que, comme moi, tu vas avoir tellement peur que ça arrive encore que tu vas arrêter ta famille là.  Je ne te le souhaite tellement pas.  Peut-être, au contraire, que ça va renforcer ton envie de réessayer, que tu vas démolir ta peur à grands coups de confiance en la vie et que dans quelques mois, tu pourras tenir dans tes bras un autre petit amas de cellules qui lui, aura bien trouvé son chemin.

Même si ta petite étoile restera toujours à quelque part, bien blottie au creux de ton coeur et de tes pensées.

Myriam Gélinas
MYRIAM GÉLINAS
Crédit : Oleg Golovnev/Shutterstock.com

Myriam Gélinas

Maman d’une grande fille de sept ans, je suis éducatrice et responsable d’un service de garde en milieu familial. De nature plutôt discrète et conciliante, mon entourage n’a toutefois souvent aucune idée de tous les commentaires désobligeants qui peuvent me passer par la tête. Je passe donc mes frustrations par l’écriture et ce, depuis toujours. En constante remise en question sur tout dans la vie et un peu trop intense dans mes goûts personnels, je suis une girouette explosive.

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11 Comments

  • Bonsoir, je suis tombée par le plus grand des hasard sur ton blog. Je ne regrette pas, car en te lisant je me suis vue et compris !
    Je suis passé par de nombreuse fausse couche puis il y a eu la GEU (grossesse ectopique), l’injection de methotraxate (les conséquence je ne les savait même pas (perte de cheveux ect… ) , cela ses produit il y a plus de 7 ans et pourtant je ne les pas oublier. Mais selon les gens (certain) une GEU na rien de traumatisant !
    Malheureusement si sa marque, on ne l’oublie pas et apprend a vivre avec

  • Que je peux comprendre!! 3 ans d’essais infructueux et enfin, un test positif!! La joie immense!! Joie de courte durée cependant car des doutes s’installant dans ma tête me poussent à demander des analyses de sang à mon médecin…Bêta HCG Avec des taux douteux,échos puis curetage…On pensait à la fausse couche. Mais… ce n’était pas terminé car quelques jours après le curetage des douleurs intenses au ventre me frappent de plein fouet, évanouissements en prime!!Mon conjoint qui vient dîner ce midi là, me retrouve étendue sur le plancher de la salle de bain… Alors 911, ambulance, arrivée en fracas a l’urgence ,échos ,gynécologue demandée d’urgence par l’urgentologue…Elle me dit, on te monte au bloc, ça presse…
    Quelques heures plus tard, je me réveille aux soins intensifs,branchée de partout… J’apprends que je viens de faire une grossesse ectopique avec éclatement d’une trompe et 7 transfusions de sang…Car hémorragie interne bien entendu. Si mon conjoint n’était pas venu à la maison ce midi là,je ne serais plus là pour écrire ceci…
    C’était en 2002 et je m’en souviens comme si c’était hier…Mais la vie à bien fait les choses et m’a donné deux belles filles de façon totalement naturelle même avec une trompe en moins… Comme quoi, il y a toujours de l’espoir.

    • Te lire me vire littéralement à l’envers.. Il y a 7 jours aujourd’hui je vivais pratiquement la même chose que toi.. seulement une transfusion a été nécessaire par contre.. Jai été plus chanceuse que toi. 🙁 c’est traumatisant.. Je cesse de revoir tout le déroulement dans ma tete.. j’imagine qu’on remonte la pente asser bien par la suite..le plus difficile dois être la confiance a se refaire.

    • Ton message me fait un baume sur mon cœur c’était la première fois que j’essayais avec mon conjoint je suis tombé enceinte… mais … j’avais déjà très mal et j’avais des saignements. Bref, j’ai reçu du methotrexate mais j’avais encore beaucoup de saignement et quelques jours plus tard les médecins ont enfin vu que le bébé était logé dans ma trompe et que la trompe a rompu partiellement donc première grossesse et j’ai perdu mon bébé et ma trompe… je suis traumatisé et j’ai tellement mal au corps et au cœur!

  • Merci de mettre en mots ce que le cœur vit un silence lorsqu’une grossesse ectopique survient.

    Petite tranche de vie (ouf, je ne m’étais jamais arrêtée à cette expression…) : J’ai été traitée pour une fausse couche. L’échographie a montré un petit œuf clair qui a arrêté de grandir. L’investigation s’est arrêtée. La conclusion a été expédiée : embryon de 6 semaines, pas de cœur fœtal. Et la directive médicale a frappé : cytotech pour « vider l’utérus de ses débris » (oui c’est ce qu’on m’a dit). Une semaine plus tard, alors que j’ai fait mes adieux silencieux-oui-pis-non-parce-que-la-chasse-d’eau-de-la-toilette-ne-l’est-pas-elle-silencieuse à tous ces « débris » qui m’ont rappelé que mon petit trésor n’était plus : échographie de suivi (pour s’assurer que tout est CORRECT et qu’il n’y a plus RIEN)…

    Coup de théâtre (pièce dramatique mettant en vedette mon système reproducteur…)! Le radiologiste me confirme que je pouvais bien me sentir encore plus enceinte que la semaine d’avant. Un petit cœur, déjà un peu rebelle, bat dans ma trompe de Fallope. Sachant très bien la réponse sans tact ni empathie qui allait suivre, j’avale ma salive pour faire descendre la grosse boule qui m’obstrue les cordes vocales et je dis : est-ce qu’on peut lui montrer le chemin jusqu’à l’utérus, docteur? Je vous épargne la réponse sans tact ni empathie qui a suivi…

    Enceinte de jumeaux. J’étais enceinte de jumeaux! Après une fausse couche, des années d’hormones, de courbes de températures et d’obsession sur ma fertilité, deux ++ s’évaporent.

    Opération d’urgence, hémorragie interne, bêta HCG trop élevé pour le méthotrexate… c’est dans la salle d’opération, avant qu’on m’attache les bras, que j’ai pu recouvrir mon bedon avec mes deux mains pour faire un adieu, silencieux-pour-vrai-cette-fois, à ce deuxième trésor rebelle qui n’en avait plus pour longtemps.

    (…)

    « Madame, l’opération s’est bien passée, mais j’ai dû retirer votre trompe. Elle avait eclaté. »

    « Merci, docteur, de m’avoir laissé mon cœur même si lui aussi est éclaté. »

    Parce que mon cœur, même éclaté, peut se recoller et serrer dans ses bras ma petite Livia de deux ans qui me rappelle sans cesse que je dois y croire encore.

  • WoW!! J’ai vecu ça en septembre dernier!! Par contre, je suis passée sous le bistouri et on m’a retiré la trompe dans laquelle c’était réfugié ma petite crevette!! Comment expliquer les montagnes russes d’émotions!! Encore aujourd’hui, j’ai des journées où je me demande qu’est-ce qui s’est passé!!

  • WOW!! C’est tellement vrai!! Il y a un an, j’ai vécu une grossesse ectopique!! Je ne savais pas j’étais Enceinte puisque le mois d’avant, j’avais eu mes règles comme d’habitude! Le 12 juillet 2017 au soir, j’ai commencé à ressentir de grosses douleurs aiguë dans le bas du ventre, je n’étais pu capable de me tenir debout, je me sentais partir, tomber sans connaissance! Mon conjoint m’a alors emmener d’urgence à l’hopital! Ils m’ont prise en charge immédiatement en voyant dans quel état j’etais! Après une prise de sang, ils m’ont confirmé que je faisais une grossesse ectopique et que je devais me faire opérer d’urgence puisque ma trompe droite avait éclaté! J’etais En train de faire une hémorragie! Ils m’ont drainés 4 litres de sang alors j’ai dû recevoir 4 transfusions sanguines! Le médecin m’a confirmé que j’ai frôlée la mort!! 4 mois plus tard, en novembre 2017, j’ai commencer des traitements d’insémination (1 à chaque mois pendant 9 mois) Nous avons droit à 9 inséminations qui est couvert par l’assurance maladie! Malheureusement, chaque insémination n’a pas fonctionné. Nous parlons maintenant de In Vitro! Ce sont de dures épreuves mais je n’abandonne Pas l’idée d’avoir un bébé! Sans enfants, il manque quelque chose dans ma vie, quelque chose du de vrai!!

  • Tes mots me font un baume sur mon coeur… ils décrivent parfaitement comment je peux me sentir et ça m’aide à mieux ME comprendre. J’ai su hier matin que je faisais probablement une grossesse ectopique… « probablement » parce qu’il ne voit toujours rien et que mon taux de HCG est anormal.

    Vite à l’hôpital… une injection dans chaque fesse et retour à la maison. Je n’arrive toujours pas à comprendre ce qui s’est passé. Depuis une semaine et demie des rendez-vous, des prises de sang en passant par l’écho qui me confirme qu’il n’y a rien mais en même temps qui a quelque chose. Une vraie montagne russe d’émotions. Maintenant, il me reste à être patiente et surtout souhaiter fort fort qu’un prochain bébé s’accroche au bon endroit mais ça fait peur.

    À partir du moment qu’on décide d’arrêter la pilule on décide aussi de se lancer dans le vide sans trop le savoir. C’est bien la seule chose sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. ❣️

  • Ton texte est venu me chercher au coeur. Je me suis reconnu en te lisant. tellement de gens banalise la situation alors que ses une partie de nous a qui l’on dit aurevoir. j’ai pour ma part eu 2 grossesse ectopique a 6 mois d’intervalle. A la première j’ai du être opérer, mais rien navait été endommager…donc 6 mois plus tard…essaie de grossesse …et puis une 2eme fois…cette fois probablement pour cause d’inflammation du a la première intervention. j’ai aujourd’hui une peur qui mhabite de ne jamais pouvoir avoir d’enfants. L’idée de revivre une grossesse ectopique me terrifie..mais se n’est rien a coter de ne jamais pouvoir avoir ma famille…

  • Heureusement je n’ai pas vécu de banalisation de mon cas…
    J’ai demandé de devancer mon premier suivi de grossesse d’une journée, puisque j’avais eu des saignements pendant la nuit. Presque rien, mais très rouge.
    Tout juste arrivée dans le bureau du médecin, quand il a voulu m’examiner, je suis tombée dans les pommes. Épileptique, il a pensé à une crise. J’ai réussi à lui dire que mes crises n’ont pas du tout cette forme…
    Lui et l’infirmière ont tout de suite commencé à m’examiner de plus près, puisque j’allais de plus en plus mal. Sueurs, faiblesse, mal de coeur, la totale. J’ai même recraché le chocolat qu’ils ont essayé de me donner.
    Le doc a téléphoné à mon conjoint (eh oui, vu la COVID, j’étais seule au RDV!) pour lui dire qu’ils me transféraient à l’urgence puisqu’il soupçonnait une grossesse ectopique.
    La civière ne se rendait pas jusqu’à moi donc on m’a mise sur un brancard jaune, attachée, et une équipe m’a transportée jusqu’à une civière plus loin, puis roulée jusqu’à l’urgence. Je me souviens des lumières, du mal général, l’envie que ça arrête.
    Je vous épargne les détails à l’urgence: les échos douloureuses, test COVID, diarrhée vu l’hémorragie interne, tenter d’enlever les vêtements, s’évanouir encore…
    Au total, j’ai dû avoir 8 culots de transfusion, perdu 3L de sang. On m’a dit que j’ai failli y passer…
    Il s’est déroulé environ 3h entre le bureau du doc et l’opération pendant laquelle on m’a enlevé foetus et trompe. Si je n’avais pas été dans le bureau du médecin quand il y a eu la rupture, je ne serais probablement pas en train d’écrire ceci.
    2 jours seule aux soins intensifs. Mon conjoint à la maison. Seuls, Sonnés, Insomniaques. Atterrés.

    Bébé-loup avait trop hâte de s’implanter. Juste fait son lit au mauvais endroit. On l’a eu avec nous tout de même 8 semaines et demie… Cette perte est douloureuse: physiquement, mentalement, émotionnellement.
    Maintenant on vit avec la peur que ça arrive encore. Difficile de faire autrement.

    À toutes les autres qui ont vécu une grossesse ectopique: courage. On n’est pas seules et votre peine est réelle. Je pense à vous.

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