old person hold hand

Quand vous partirez

Quand vous partirez, mes chers parents, je ne serai pas prête.

Je sais, il est dans l’ordre normal des choses que les parents partent avant leurs enfants. Mais mon cœur, lui, ne connaît pas l’ordre normal des choses. Mon cœur, lui, il veut vous garder encore un peu. Encore longtemps. Pour toujours.

Je suis une adulte, une maman. Mais je me sens encore comme votre petite fille. Celle qui allait vous rejoindre dans votre lit les matins de fin de semaine, celle qui criait la nuit afin que vous veniez la réconforter après avoir fait un cauchemar.

Aujourd’hui, mes chers parents, j’ai encore besoin de votre réconfort. Car j’ai peur. Mais mes cauchemars ont bien changé. J’ai peur que vous me quittiez trop vite, trop tôt, trop soudainement.

J’ai peur que vous me quittiez avant que j’aie pu accomplir tout ce que j’ai encore envie de vivre avec vous, avant d’avoir pu vous dire tout ce que j’ai envie de vous exprimer depuis si longtemps.

Vous savez, je fais semblant de ne pas voir que vous vieillissez. Je ne peux pas admettre que ma vie puisse se continuer un jour sans votre présence. Je sais qu’un jour je serai confrontée à votre départ. Mais pas maintenant. Je suis confortable dans mon déni. J’aimerais bien y rester.

L’idée qu’un jour je puisse recevoir un appel m’annonçant qu’une maladie grave vous afflige me terrorise. Je n’ose même pas imaginer ce que l’annonce de votre départ m’infligera comme douleur.

Innommable, insupportable.

Vous ne pouvez pas partir maintenant. Mes enfants n’ont pas fini de grandir. Qui sera là pour aller les applaudir? Qui sera là pour trop les gâter? Ils ont besoin de leurs grands-parents à leurs côtés. Votre amour pour eux est si important pour moi. Je veux que vous soyez témoins de la remise des diplômes de mes enfants, de leur mariage. Je veux que vous deveniez des arrière-grands-parents. Vous devez rester pour voir tout ça. Ce sera si beau. Ça me brise le cœur de savoir qu’un jour, je leur parlerai de vous au passé.

Vous ne pouvez pas partir maintenant. J’ai besoin de vous. Le support que vous m’apportez dans mon rôle de mère est inestimable. Qui vais-je appeler lorsque je serai en larmes et désemparée devant mon enfant lorsque vous ne serez plus là? Qui entendra mes appels au secours? Vous ne pouvez pas partir, j’ai besoin que vous me disiez encore quoi faire quand la vie me dépasse. Et la vie me dépasse si souvent.

Vous ne pouvez pas partir maintenant. Il nous reste tant de Noëls à vivre ensemble. Tant de fêtes d’anniversaire. Comment pourrais-je avoir le cœur festif si vous n’êtes pas là pour partager ma joie? J’ai encore besoin de revenir à la maison de mon enfance, les bras chargés de cadeaux et de sentir l’odeur réconfortante du bonheur. Où irais-je pour retrouver ce bonheur si vous n’êtes plus là? Parce que mon chez-moi, c’est vous. Ma vraie maison, c’est votre présence.

Vous ne pouvez pas partir maintenant. J’ai oublié de vous dire que vous aviez raison. Si souvent. Je vous dois des milliers d’excuses, j’ai parfois été si ingrate. Qui sera là pour me remettre à ma place lorsque je le mérite? Qui sera là pour me dire que je fais les mauvais choix? C’est à vous de le faire. Vous êtes les meilleurs pour m’enligner sur le droit chemin. Et la route sera trop longue sans vous.

Quand vous partirez, mes chers parents, je perdrai mes ancrages, mes repères, mes racines. Je devrai devenir mon propre ancrage, me trouver de nouveaux repères, me faire pousser mes propres racines. Je ne sais pas si je trouverai la force.

Quand vous partirez, j’aurai la tête pleine de si beaux souvenirs. Mais j’aurais bien voulu en créer tellement d’autres encore, tout aussi merveilleux.

Quand vous partirez, je ne serai pas prête. Je crois que je ne le serai jamais vraiment. On ne peut jamais être préparée à perdre une partie de son cœur.

Mais j’espère que lorsque vous partirez, je serai sereine, parce que j’aurai su profiter de votre présence à chaque instant. Parce que j’aurai su vous dire je t’aime à temps. Parce que j’aurai su vous dire merci plus souvent.

Mes chers parents, je vous aime.

Papa, maman, merci.

Crédit : Pammy Studio/Shutterstock.com

Audrey Roy

Super-maman de trois enfants dans la trentaine avancée, directrice en chef de ma famille reconstituée (presque) parfaite, ma vie est une source inépuisable de délires familiaux à écrire. Étant une ex-abonnée de l'organisation extrême, le petit dernier m'aura appris que le lâcher-prise est une valeur sûre pour survivre à mon quotidien. Fière mère indigne, écrire est pour moi un véritable plaisir coupable. Au plaisir de vous faire sourire (et de vous faire sentir moins seules dans vos tourments).

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4 Comments

  • Tellement beau et vrai. Merci pour ce texte qui dit vraiment l’essentiel. De plus,, nos parents par l’exemple sont ceux qui ont fait de nous l’adulte que nous sommes devenus. La tradition va se perpétuer car c’est le cycle de la vie.

  • Quel beau témoignage d’amour!
    J’aurais voulu écrire ce texte empreint de gratitude❤

    J’ai le privilège d’avoir mes parents tout près puisqu’ils habitent en résidence La Maison au Tournant du Boisé ou j’y travaille en tant qu’animatrice.

    Je profite de chaque instant … ils sont âgés…

    Merci Audrey!

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