little boy window rain

J’ai peur pour toi, mon filleul

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Je le voyais venir depuis trois ou quatre ans déjà, mais le sentir et le vivre, c’est deux.

Je savais aussi que ce serait la meilleure chose pour toi et tes frères mais lorsqu’elle me l’a annoncé, sur le coup, je n’ai pas réalisé.

Je n’ai pas réalisé toute la douleur que je ressentirais pour toi, de voir ton petit monde s’écrouler. De voir tes parents, qui depuis tant d’années se disputaient, décider de se séparer. Même si je l’avais secrètement désiré, jamais je n’aurais cru que je pleurerais pour toi.

Je n’avais pas réalisé que tu es un garçon réservé et que tes émotions, tu ne les partagerais peut-être pas, que ce serait ton comportement qui parlerait pour toi. Que ton silence serait le plus éloquent des discours. Que je ne pourrais dire rien qui te serait d’un grand secours.

Je ne m’étais pas imaginé que je me sentirais coupable, coupable de l’avoir souhaité même en sachant que c’est la seule avenue que ta mère pouvait envisager. J’aurais aimé t’épargner cette première année difficile, ce premier Noël où ton père ne serait pas avec nous, comme toutes les autres années. Les fins de semaine de camping que tu ne pourras plus vivre comme avant où ton père et ton oncle s’amusaient et prenaient un pt’it verre ensemble, et les souvenirs et les traditions qu’ils vous léguaient un peu plus, à chaque fois.

Je ne savais pas non plus que je me sentirais aussi coupable, chaque fois que tu viendrais chez moi, quand tu nous verrais nous, encore unis, puisque nous sommes le dernier couple de la famille à avoir survécu.

J’aimerais tant te serrer dans mes bras, te donner tout l’amour que j’ai pour toi, pour que je ne vois plus dans tes yeux si profonds, ce tumulte d’émotions. Mais je ne peux pas. Je ne sais quels mots utiliser. J’ignore si, à ton âge, tu vas me repousser. Et même te l’écrire me fait tellement souffrir. Avec un gars, c’est plus ardu que si tu étais une fille, de te faire sentir combien je tiens à toi. Je me rabats alors sur tes frères plus jeunes que je câline très fort, mais sache que j’y mets aussi une partie de cette tendresse à ton attention.

Sache que la vie est difficile, oui, mais j’ai bon espoir de revoir, dans tes yeux, l’étincelle revenir. Je serai là pour te faire vivre encore de beaux moments en famille, même si sa définition a changé.

Je tenterai aussi de te créer de nouveaux souvenirs avec tes cousins à tes côtés.

Je sais qu’il reste encore quelques mois plus durs, que tu es trop grand pour te blottir dans mes bras comme autrefois et trop petit pour comprendre tout de ce que je t’écris mais, d’ici quelque temps, je le souhaite, tu seras prêt à recevoir ces mots qui, j’espère, te réconforteront un peu.

Je t’aime mon filleul.

Julie Ducasse
JULIE DUCASSE
Crédit : pexels.com

Julie Ducasse

Fonctionnaire travaillante, banlieusarde affirmée, mère de 2 pré-ados, mariée depuis plus de 13 ans, rien ne me destinait à cette vie rangée. Diplôme collégial en arts et communications, quelques crédits universitaires qui ne m’ont rien donnés si ce n’est qu’une culture personnelle plus développée, je travaille maintenant dans le domaine des ressources humaines depuis près de 10 ans. J’écris de temps en temps, pour m’amuser mais surtout, mon but premier, raconter une histoire comme si vous y étiez. Les rêves de liberté, de faire le tour du monde comme journaliste et de voyager, ont été mis de côté. Pas grave, ma vie est d’autant plus animée, avec 4 sœurs totalisant 9 enfants et une histoire de famille compliquée, j’ai des sujets en banque pour bien des années.

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