Cher papa,
Aujourd’hui, j’aimerais ça pouvoir t’écrire. Pouvoir te dire avec des mots de grands ce qui me vient en tête quand je pense à toi, à ton métier de soldat. Une foule d’émotions se bousculent dans ma tête et dans mon cœur d’enfant de trois ans quand je pense à ce que tu fais pour nous, tes enfants, et pour maman. À sa façon, elle est aussi une guerrière. T’sais, c’est elle qui garde le fort quand tu n’es pas là, papa. Pis tu pars souvent.
Maman, elle voulait être policière. Elle aussi, c’est une sauveuse dans l’âme. Mais elle a choisi la famille. Parce que c’était une priorité pour elle. Pour vous. C’était une mission pas mal plus facile à gérer en étant maman à la maison, surtout quand tu es prisonnier de ton travail. C’est le cas de le dire, ta petite femme, elle choisit ses batailles. Elle dit parfois, entre les dents, que tu n’es rien de moins qu’un numéro pour l’armée. Qu’ils se foutent de la famille. Malgré tous les avantages, elle trouve ça dur, tu sais.
La première fois que tu es parti, maman m’a raconté qu’elle a eu beaucoup de peine. Elle s’est retrouvée seule avec mon grand frère et tu es parti pendant une petite éternité. Parce que six mois dans la vie d’un bébé, c’est long. De temps en temps, tu avais ton congé pour un week-end. Quelques heures. À peine assez pour faire tes provisions de câlins et de sourires, juste un peu, avant de repartir.
Et quand tu es finalement revenu, elle ne te reconnaissait plus. Tu avais changé. Ton regard était ailleurs, ton cerveau tout écrabouillé. Maman et toi avez beaucoup parlé. Parfois un peu trop fort.
Mais vous avez été solides. Et après avoir mouillé plusieurs oreillers, maman a décidé de continuer l’aventure. Par amour pour toi, par amour pour nous.
Avec toi, c’est tout ou rien. Tu es 100% absent ou 100% présent. Quand tu es à la maison, tu es vraiment un papa modèle. Tes chatouilles, tes câlins, la musique que tu nous joues à la guitare. Tu apportes de la chaleur dans nos petits cœurs. Et quand tu pars, il y a un grand vide. Chaque fois. Chaque fois, il faut réapprendre à vivre sans toi, papa.
Toutes ces premières fois que tu as manquées, elles ne reviendront jamais. Les premiers pas de l’un, les premiers mots de l’autre, le premier anniversaire de plusieurs – tant de pages tournées quand tu étais parti. Parti dans le désert, parti dans un tank, parti sur une base pas très loin d’ici. Une base qui te garde tous les jours et toutes les nuits loin de nous, tes vrais amours. C’est pas que j’aime pas ça te voir sur la cinquante-deux pouces, mais je ne comprends pas pourquoi tu ne viens pas nous voir plus souvent. Pour vrai. Tu me manques, papa.
Ce que j’ai le goût de te dire, c’est qu’il n’y a pas juste toi qui est blindé. Maman, nous quatre, notre amour – on l’est tous aussi. Parce que rien ne peut nous atteindre. Même pas la guerre et les missions de paix qui nous fissurent.
Les combats, maman et toi les menez de front. Quand j’y pense, du haut de mes trois ans, je suis fier d’être ton fils, papa.
Je t’aime,
Auguste
Merci à Julie pour son précieux témoignage.
LYSIANE BEAUBIEN |
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