fille yeux bleus

Tu es belle, ma fille

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Tu es belle, ma fille. Je veux que tu le saches, parce que j’ai parfois l’impression que tu ne vois pas tout ce qui t’attend. Je vais te le répéter jusqu’à ce que tu ne sois plus capable de m’entendre, juste pour être vraiment certaine que tu comprennes. Tu es belle. Dis-moi que tu me crois. Promets-moi de continuer de me croire.

La semaine dernière, lorsque tu m’as dit que tu n’étais pas belle parce que tes cuisses d’enfant sont plus grosses que celles de la voisine, j’ai cru que mon cœur allait arrêter de battre. Non, pas toi ma fille, pas à ton âge. Je n’accepte pas de te voir t’embarquer dans le jeu des comparaisons. Pas déjà. Pas maintenant. Tu es si petite, si naïve. Tu ne peux pas juger de ta beauté selon la circonférence de tes cuisses ou de quelque partie de ton corps que ce soit. Non. Tu es belle, ma fille. Je te l’ai déjà dit ? La voisine n’est pas comme toi mon amour, mais elle est belle aussi. Pas besoin de gagnante. La beauté de la vie, c’est la différence.

Cet été, lorsque tu m’as dit que tu avais une grosse bedaine dans ton maillot, un gigantesque nœud s’est noué dans ma gorge. J’ai eu la sensation que tout mon être éclatait en mille morceaux. Tu n’as pas encore huit ans ma chérie. Comment peux-tu croire qu’il serait mieux de cacher ton joli ventre pour aller à la piscine ? Comment peux-tu imaginer de t’empêcher d’avoir du plaisir parce que tu n’aimes pas ton reflet dans le miroir ?

Tu n’es qu’une enfant et l’importance de l’image que tu projettes s’insinue déjà lentement dans ta petite tête à lulus. Je ne peux pas tolérer ça. C’est trop pour mon cœur de maman. Parce que tu es belle, ma fille. Je tiens à ce que tu le saches.

Tu sais, je ne veux que tu passes par le même chemin que moi. Un chemin sinueux et sombre qui m’a fait m’affamer pendant tellement d’années. Je voudrais tant te protéger de toute cette douleur à vouloir atteindre les standards des autres, à vouloir ressembler à quelqu’un que tu n’es pas. Ma fille, tu es si magnifique avec ton sourire lumineux et je me battrai corps et âme pour que le monde qui t’entoure ne vienne jamais l’éteindre. J’ai beaucoup souffert avant de réellement accepter qui j’étais, comme je l’étais. Cette souffrance, tu ne la mérites pas. Ni aucune autre petite fille d’ailleurs. Parce que vous êtes toutes belles.

Et je me sens coupable. Je me demande si c’est moi qui, sans le vouloir, fais en sorte que tu te regardes avec ce jugement dans les yeux. Peut-être que je n’aurais pas dû m’entraîner devant toi si souvent quand je voulais perdre le mou que la naissance de ton frère m’a laissé. Peut-être que je n’aurais pas dû regarder mon ventre dans le miroir devant toi, qui absorbe chaque geste et l’interprète à sa manière d’enfant. Peut-être que la fois où tu es tombée sur un concours de mini-miss à la télé, j’aurais dû la jeter par la fenêtre. Tellement de peut-être. Tellement de j’aurais dû. Tellement de culpabilité.

Ma fille, tu es si belle. Il faut que tu me crois.

Maintenant, voici ce qu’on va faire, toi et moi.

Je ne peux pas te placer dans une bulle de verre pour t’isoler de la société et de cette image dans laquelle tu évolues avec toute ta candeur. Mais je vais t’apprendre à y grandir de façon positive, de façon à ce que tu vois le miracle que tu es.

On va se trouver belles en pyjamas, décoiffées. On va se trouver belles en robe de soirée, avec nos souliers brillants. Mais on va se trouver bonnes aussi. On va se trouver incroyablement uniques, avec nos talents, nos humeurs et nos grands cœurs.

Ça a pris beaucoup de temps et d’efforts à Maman avant de voir toute sa beauté, son intelligence et ses capacités. Pour toi, ma belle grande fille, on va faire ça tout de suite. Et demain. Et l’année prochaine aussi. On va te faire voir à quel point tu es merveilleuse. Tout le temps.

Tu es belle, ma fille. Je t’aime tellement. Je sais que tu me crois. Mais n’oublie jamais de croire en toi. Parce que moi, quand je regarde dans tes yeux, c’est toute la beauté du monde que je vois.

Crédit : pixabay.com

Audrey Roy

Super-maman de trois enfants dans la trentaine avancée, directrice en chef de ma famille reconstituée (presque) parfaite, ma vie est une source inépuisable de délires familiaux à écrire. Étant une ex-abonnée de l'organisation extrême, le petit dernier m'aura appris que le lâcher-prise est une valeur sûre pour survivre à mon quotidien. Fière mère indigne, écrire est pour moi un véritable plaisir coupable. Au plaisir de vous faire sourire (et de vous faire sentir moins seules dans vos tourments).

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2 Comments

  • Ton texte est très touchant.
    J’ai une petite puce de 15 mois. Ayant souffert moi aussi de trouble alimentaires, j’ai déjà peur pour elle. Dès que j’ai su que j’attendais une fille, j’ai interdit à tout le monde de mon entourage de parler de poids ou de se plaindre de son apparence physique devant ma fille (et du même coup devant mon fils aussi). Chez nous, le poids et la minceur ont toujours fait partie du dialogue quotidien, à partir de ma grand-mère. J’ai décidé qu’à partir de moi, cette transmission devait cesser. J’espère vraiment réussir !

  • Merci pour ce texte… il tombe à pique… ma fille de 8 ans dit ces même phrases… se pince le ventre, observe ses cuisses… moi qui a vécu l’anorexie durant quelques années, c’est difficile, je ne sais pas quoi dire, quoi faire… et j’ai peur…

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