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Ton congé de maternité en 4 étapes presque simples

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Toi, poule couveuse de ce monde qui s’apprête à franchir, dieu ait tes plumes, les étapes de ton savoureux congé de maternité, lis-ça.

Étape 1 : Le nuage

T’as beau t’enfarger dans la bureaucratie pis sacrer après l’immigrant du RQAP qui comprend fuck-all rien de c’que tu dis, ça t’empêches pas d’instagramer la chambre de ta future recrue et ce, les pupilles en forme de cœur.

Entre tes mille allers-retours au pipiroom, tu rates jamais l’occasion de prendre une bonne sniff de pyjama newborn en passant. On va se le dire, y’a pas de maux de dos pis d’atroces douleurs sciatiques assez fortes pour te faire débarquer de ton beau gros nuage rose bonbon. Et ce même si t’es pu capable de te torcher, même si tu dois prendre une perche pour tipper ton livreur de pizza, pis même si Géraldine de l’hospice te clanche à cent milles à l’heure sur le trottoir du boulevard avec sa marchette.

Ah oui et pis bye bye boss, hein. C’est aussi l’étape où tu ramasses le stock dans ta cellule de prison, que tu regardes tes codétenus avec tes plus sincères condoléances pis qu’à la fin de ton tout dernier chiffre, t’embrayes ta machine pis que tu te claques un beigne dans le stationnement, tout ça sur un soundtrack de ton choix, en autant que ça fite dans ta tête.

Étape 2 : Le vêlage

Le jour J, t’arrives à l’étage des naissances avec la chienne pis une pulsation cardiaque palpable à l’œil nu. Ah pis, n’oublie pas de laisser ta fierté dans le petit vestiaire prévu à cet effet, juste au cas où tu pensais rester cute et polie quand tu vas chier dans les mains de l’obstétricien.

La vérité, c’est que tu t’apprêtes à devenir un animal de foire, ma belle. Mais t’sais, dépassé un certain stade, honnêtement, tu vas t’en foutre. Surtout quand tu vas léviter quarante-trois pieds au-dessus de ta civière, que ton souffle va devenir un beuglement sourd et que dans un dernier cri de mort, le secret de l’humanité va t’apparaître enfin.

Sors tes Kleenex ma fille, car en franchissant l’étape du vêlage, probablement la plus belle étape de ton congé de maternité, tu viens d’atteindre un sommet émotif des plus troublants, j’te le dis.

Les grands yeux noirs de l’amour de ta vie vont t’hypnotiser à un point tel que tu ne soupçonneras pas une seconde qu’on est en train de procéder au rapiéçage de ton fourneau à pain.

Et puis c’est à la rigolade que le doc, recouvert de ton art abstrait, le même gars que tu as béni de tout tes fluides, le gars qui, le temps de le dire, est devenu ton meilleur-ami-d’une-nuit, va t’interroger : à quand le prochain ? Et que tu vas répondre sans l’ombre d’un doute : pu jamais, mon esti.

Étape 3 : Le chu-pu-toute-là

L’étape du chu-pu-toute-là, c’est quand ton high de mise bas redescend, que ta visite s’est tannée de ton café colombien pas buvable pis qu’ils ont plié bagage en attendant que tu leur lances une invitation.

Ben saucée dans ta galère, c’est en petite boule dans un coin que tu vas attendre que ton chum revienne de travailler pendant que ton plus vieux te frappe avec une cuillère de bois pis que ton plus jeune te réclame encore-et-encore-et-encore.

Ta vie sexuelle et ton compte en banque ? (insérer des bruits de criquet ici).

Côté style, même tes élastiques se sauvent en courant. Vite de même, tu passes devant un miroir et tu te découvres des liens de parenté avec Gollum.

Ouin, tes étapes 1 et 2, ma fille, tu les as ben loin dans le derrière quand t’entres dans la phase chu-pu-toute-là. T’en fais pas, on passe toutes par là mais c’est aussi possible que cette étape-ci persiste après ton congé de maternité.

Étape 4: La renaissance

Te voilà au fil d’arrivée, à la toute dernière étape. Celle où tu vas vouloir figer le temps. Celle où tu t’injecterais par intraveineuse les souvenirs de ton beau-gros nuage du début pis de l’étape du  vêlage en continu jusqu’à la fin de ta vie.

Ta larve s’est désormais métamorphosée en une entité qui découvre le monde à une vitesse étourdissante pis toi, maintenant que tu sais où tu t’en vas, que des fois t’as le temps de te farder les joues, que tu changes ton p’tit d’une seule main tout en lui lisant tendrement son histoire préférée pendant qu’une délicieuse odeur de rôties flotte tout autour, tu comprends que ton congé de maternité est fini.

Un beau matin, le jour de ta renaissance, tu vas entrer dans sa chambre alors que son rideau te laisse entrevoir le plus beau des levés de soleil. Pour une fois, ton p’tit n’est pas coupable de ton insomnie et c’est à grands coups de cache-cernes que ta courte nuit te trahit. Tu le regardes dormir longtemps ton beau bébé, ses petites fesses remontées, son ronflement paisible.

Pis tu réalises que le temps est un salaud qui t’a filé innocemment entre les doigts. Boulot, garderie, tu as un goût amer dans la bouche, t’sais.

J’t’avertis, tu vas pleurer. Beaucoup. Cependant, de cette peine naîtra les prémisses d’une nouvelle femme. Plus grande, plus forte, plus organisée.

Du moins jusqu’à l’arrivée de ton prochain nuage. Parce qu’après ça, moi j’te garantis rien, t’sais.

 

Stéphanie Hébert

     STÉPHANIE HÉBERT

Crédit : famveldman / 123RF Stock Photo

Stéphanie Hébert

Femme de caractère, monoparentale et mère de deux petits monstres, je vous partage mes grandes joies et mes peines. Mon plus grand bonheur dans la vie ? Entendre le fou rire démoniaque de ma progéniture. Venez rire et pleurer avec moi au cœur de mon livre ouvert. Dans la vie, il nous est permis d'adorer ou de détester mais au final qui sommes-nous pour juger ?

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4 Comments

  • Très beau texte et réaliste ! Merci beaucoup !
    Mais juste une remarque : pourquoi un immigrant à la RQAP ne comprendrais rien ? Un québécois oui ? Ne peut-on pas juste dire un employé ?

    • Bien d’accord avec vous….en plus si quelqu’un est embauché par la RQAP c’est que la personne à son statut de citoyen, donc est québécois. Pour ma part, peu importe l’accent, je n’ai jamais eu de problèmes avec les représentants de RQAP (toujours patients et serviables qu’ils se nomment Monique, Abdel ou Francisco)

  • L’autre congé de maternité :

    Malgré toute ta peine, tu dois tout de même t’enfarger dans la bureaucratie pis sacrer après l’immigrant du RQAP qui comprend fuck-all rien de c’que tu dis.

    Tu as les maux de dos pis les atroces douleurs sciatiques.

    Tu ne rates jamais l’occasion de prendre une bonne sniff de pyjama qu’elle a porté, parce que ça te rapelle son odeur et les courts instants que tu as passés avec elle…

    C’est en petite boule dans un coin que tu vas attendre que ton chum revienne de travailler.

    J’t’avertis, tu vas pleurer. Beaucoup. Cependant, de cette peine naîtra les prémisses d’une nouvelle femme. Plus grande, plus forte, plus organisée.

    Un beau matin, le jour de ta renaissance, tu vas entrer dans sa chambre alors que son rideau te laisse entrevoir le plus beau des levés de soleil. Pour une fois, tu pourras y entrer sans y pleurer toutes les larmes de ton corps…

    Et si tu es chanceuse, il arrivera un autre nuage, qui lui, sera rose…
    Un jour ton insomnie aura une raison valable, et tu auras la chance de regarder dormir longtemps ton beau bébé, ses petites fesses remontées, son ronflement paisible.

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