famille troisième bébé

Au troisième bébé t’sais

famille troisième bébé

D’aussi loin que la mémoire puisse te le permettre – celle d’avant le jour où le spermatozoïde de ton chum a fécondé ton ovule – t’as toujours voulu devenir maman. C’était inné. Grosse maison, job « pas de stress » , mari amoureux pis des p’tits. Combien, l’histoire le disait pas, mais y’en avait. Finalement, t’as été l’une des heureuses élues; la fécondité t’a frappée de plein fouet.

Ta bedaine a reçu ton premier bébé après seulement quelques semaines de simili-pratique, t’sais, dans le temps où il fallait pas que les astres soient alignés pour profiter des plaisirs conjugaux.

À compter du premier jour de la construction de ce chérubin, t’as ben dû fouiller sur tous les sites Internet possibles et dans tous les livres sur la progression de la grossesse. T’as suivi la grosseur du fruit de tes entrailles de la graine de sésame à la giga pastèque. Ses oreilles étaient comment ? Pis ses orteils, eux ? On te le demandait pis tu répondais dans la seconde avec l’assurance d’une capitaine d’équipe de hockey. T’avais une nouvelle photo de profil Facebook de ton ventre semaine après semaine. Tu le savais que les gens devaient te trouver freak, mais who cares ! Tu pouvais pu rien boire, pu rien manger pis rien faire, ça fait qu’ils allaient te laisser le plaisir de les écoeurer avec tes photos de bedaine.

Cet amour-là arrive donc un jour pis t’as ben du plaisir à le traîner partout. À aller au hockey voir papa jouer en esquivant les regards des gens qui te regardent prendre ta p’tite bière d’une main en shakant la poussette de l’autre avec le sentiment d’être une maman, molle, enflée, cernée mais fière du p’tit qui se cache en-dessous de sa couverte. Pis plus ça va, plus tu pognes la twist. Pis c’est là que ça devient clair et net dans ta tête : ça t’en prend un autre. Pas tout suite. Mais ça t’en prend un autre.

Miss Fécondité frappe plus vite que prévu. Pendant que BB1 se tortille dans son lit pis que tu gardes un oeil dessus parce que t’as peur qu’il s’étouffe avec mille et une choses que seul l’imaginaire de ton statut de Mère-Poule peut te procurer, tu jongles entre ton envie de vomir soudaine et la nécessité de pisser dans tes culottes dans un avenir rapproché. Liste de priorité révisée, tu te garroches à la salle de bain. Tu reviens verdâtre, cernée et vidée de tout amour propre au chevet de ton bébé qui te parait soudainement pas mal plus grand.

Tu vas faire comment pour en gérer deux bientôt? Tu vas l’installer où ? Et la question qui tue: comment tu vas faire pour les aimer autant ?

La seconde grossesse est officiellement moins longue que la première. Quand tu cours toute la journée après ton semi-coureur-marathon-quatre-pattes, t’as pas rien que ça à faire, te regarder pousser le nombril pis les fesses qui viennent avec. Tu viens à peine de savoir que quelqu’un d’autre allait partager ta vie, qu’il est déjà là, dans tes bras.

Pis c’est là que tes standards de sécurité changent à la vitesse de la lumière.

Jadis tu l’empêchais de manger du sable. Maintenant, tu fais juste t’assurer que les roches que ton plus grand met dans sa bouche sont assez petites pour passer par en haut puis par en bas pour suivre la logique des choses.

Le lait dans la bouteille – pu stérilisée mais juste bien rincée à l’eau chaude avec du savon – est encore bonne après plus d’une heure. Tu prends une petite chance parce que de toute façon, ça fait peut-être juste cinquante-cinq minutes t’sais.

Y’a du vomi sur sa camisole? Tu vas le changer plus tard. Anyway, il faut que tu lui donnes son bain. Ça doit faire trois jours là ?

Pis là, Féconde-de-Féconde frappe encore. Oh oui, parce que elle, elle a sous-entendu que t’en voulais un troisième avant même que cette idée saugrenue te soit passée par l’esprit sous prétexte que tu les aimes tellement, tes enfants.

C’est reparti pour un troisième neuf-mois-de-bonheur-à-courir-les-enfants-dans-les-escaliers-avec-le-sciatique-bloqué. À éponger des dégâts d’eau dans la salle de bain. À trouver le plus vieux caché dans le bac à récup’ tout collant. À plier le linge que BB1 et BB2 ont sorti de leurs tiroirs juste pour le fun. À prendre de grandes respirations dans le bas des marches en attendant que les contractions qui te pognent dans le dos passent pendant que tes enfants montent dangereusement les marches.

Pis là, tu te demandes comment tu vas faire pour en gérer trois. Parce qu’on va pas se mentir, sauter d’un avion en feu, c’est pas mal moins épeurant et plus facile que ce qui s’en vient. Pour la première fois, t’as une vraie bonne raison de faire de l’insomnie. C’est toujours ben ça. Mais ça va aller t’sais. Après un vient deux et après deux vient trois. C’est logique non?

Ça fait que neuf mois plus tard, BB3 prend son biberon pendant que le plus grand fait semblant de parler en anglais dans la douche après avoir fait pipi dans son lit en regardant sa sœur-sandwich qui fait des grimaces à son petit frère qui s’époumone de rire.

Tout en essayant de prendre une chose à la fois et de ne pas paniquer en pensant à ton retour au travail qui arrive ben que trop tôt, t’es assise là. Quelque part entre ton linge « propre-tu-penses » et des sachets de compote en sac jamais vides pris en quantité industrielle au Costco. En reprenant ton souffle entre deux demandes express aussi primordiales que  » j’veux-pas-cette-pâte-à-dent-là-à-goutte-pas-bon » et « j’veux-mettre-les-bobettes-de-Flash-McQueen-j’ai-dit », tu les regardes.

Pis c’est à ce moment précis que tu sais que t’es à la place que t’as toujours voulu être. Et que tu ne la changerais pour rien au monde. T’es folle de même.

Mélissa Rondeau

         MÉLISSA RONDEAU

Mélissa Rondeau

Autrefois sirène devenue baleine, j'ai l'immense bonheur de partager ma vie avec le plus beau des requins, le plus sage des poissons-chats de 3-ans-j’suis-grand-bon », la plus espiègle des piranhas et le plus charmeur des petits menés. Essayant tant bien que mal de me garder la tête hors du courant infernal de la perfection maternelle, je fais de mon mieux pour rester une amoureuse attentionnée et une maman amusante qui tente de garder le cap . Au travers des regards des autres qui me font souvent parfois douter de ma façon de faire ou encore de l'état de ma santé mentale, j'aime surtout apprécier les petits sourires que je croise où je suis capable de lire « High five la mère!» Après tout, on ne fait ça qu'une seule fois, aussi bien le faire sans crainte du jugement et avec un amour aussi pur et puissant que celui que nos enfants nous donnent en retour !

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6 Comments

  • excellent texte. je crois qu’il y a une faute de frappe à la fin. Ça dit: « Quelque part entre ton ligne… » je crois que ça aurait dû être écrit linge. En tout cas, linge a plus de sens que ligne! 🙂
    Courage, Super Mom!

  • Tu sais quoi? Un jour lointain tu vas lire un blog, et tu vas te dire que c’était quand même cool dans ce temps-là! T’es rendue à l’étape d’être grand-mère, tu te souviens avec tendresse, des nuits blanches , des repas froids, des douches rapides quand ça adonne , pis tu te donnes une caresse sur l’épaule en te disant « good job! » .
    Non seulement j’ai survécu, mais j’ai réussi ! Trois beaux enfants autonomes, bien dans leur vie !
    Lâche pas… Ça l’air loin , mais demain tu te flateras l’épaule avec tendresse xxx

  • Hahaha j’adore !! Le 4e est en route.. Et je n’arrive même pas à me souvenir combien j’ai de semaines de faites !! Hahaha ! Mais mon dieu qu’on les aimes !!

  • Je me retrouve tellement dans ton texte! J’ai un 4 ans, une 3 ans et un petit nouveau 2 mois! C’est du sport… mais ont les aimes tellement!

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